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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 

        ENFANTS JUIFS SAUVÉS de SAINT-GÉRAND-LE-PUY (03)

 

 

Famille  WAL : Samuel et ses deux petites-filles, Michèle et Josette

 

Témoignage écrit de Madame MARQUART née WAL Josette

qui tient ces renseignements de sa tante, Madame LÉVY née WORMUS Denise épouse de Georges née le 14 juillet 1907 à Delme (Moselle)

 


« Mes parents et grands- parents paternels habitaient avant la guerre à Gray (Haute-Saône) et nous nous sommes réfugiés à Saint-Gérand-le-Puy en juin 1940 chez une demoiselle BARNÉRAT. Ma tante (sœur de ma mère) et mon oncle Georges qui eux habitaient à Benfeld en Alsace ont également trouvé refuge à Saint-Gérand.

                          L’arrestation de mon père et mon oncle qui protégeaient la voie ferrée fut antérieure à celles de ma mère et de ma grand-mère. Lorsque celle-ci eut lieu, j’étais dans le jardin avec mon grand-père qui se trouvait à l’arrière de la maison. Ma grand-mère eut juste le temps de nous prévenir par une fenêtre donnant sur l’arrière de la maison de l’arrivée d’un camion rempli d’Allemands venus les arrêter. Ma sœur Michèle qui ce jour-là se trouvait chez ma tante qui habitait à l’autre bout du village eut la chance d’échapper à son arrestation.

                         Mon grand-père et moi-même ont sauté de grillage en grillage jusqu’à ce qu’une porte bienveillante s’ouvre et qu’une famille veuille bien nous héberger. (….)  Ma tante et mon grand-père nous ont ensuite mises ma sœur et moi à l’abri dans une ferme proche chez la famille TULOUP. »

Note de l’AFMD : Le grand-père de Josette WAL, Samuel WAL né le 25 janvier1878, est décédé « de maladie et de chagrin » selon Josette  le 5 mai 1944 à Saint-Gérand-le-Puy (Etat civil de Saint-Gérand-le-Puy).

 

 

Entretien de l’AFMD avec Monsieur Marcel TULOUP, Madame Colette NEBOUT née TULOUP et Madame Marinette THEUIL  née TULOUP

Le 15 octobre 1943 Michèle WAL revenait de faire les courses et sa voisine, Madame CHABANNE, lui a dit de ne pas rentrer à la maison, car elle avait vu les Allemands et leur camion. Madame CHABANNE fit rentrer Michèle chez elle en attendant que sa tante Denise vienne la récupérer ainsi que Josette. Denise les amena  chez Madame CHARBONNIER qui les cacha dans les vignes pour la nuit. Le lendemain au petit jour Denise  amena ses deux nièces chez Philibert et Marie-Louise  TULOUP à la ferme « Le Grand Domaine » non loin du Château de Saint-Allyre.

En fait Madame Paule WAL était prévoyante et avait pris des contacts auparavant avec Madame TULOUP pour lui demander  si elle pourrait accueillir ses deux petites filles en cas de danger.

Michèle et Josette sont restées chez les TULOUP jusqu’à fin août 1944 jusqu’à ce que  leur tante, Denise LÉVY, vienne les récupérer après avoir elle-même  été libérée de la prison Montluc à Lyon.


 

2ème rang à gauche : Josette ;     dernier rang à gauche : Michèle ;    3ème rang, 3ème en partant de la droite : Annie;

 

Famille SCHWARTZ

18 juin 1940 : Alfred et Hélène SCHWARTZ et leur fille Annie arrivent à Saint-Gérand-le-Puy.

8 novembre 1940 : Ils sont rejoints le 8 novembre 1940 (1) par le grand-oncle et la grand-tante d'Annie, Gabriel et Hortense, et son oncle Paul expulsés du Haut-Rhin.
Ses grands parents maternels, le Rabbin Nathan LÉVY et son épouse Mathilde, arrivent le 20 mai 1941 (1) et habitent une maison au lieu-dit Demoiselle où ils sont rejoints le 3 janvier 1942  par la famille BLUM.

 

(1) Archives Municipales de Saint-Gérand-le-Puy : ces dates figurent sur le recensement des Israélites résidant dans la commune de Saint-Gérand-le-Puy. 

 

Témoignage d’Annie SCHWARTZ-LÉVY

 

Mon enfance dans l’Allier…

 

Nous  (Papa, Maman et moi) sommes arrivés un soir d’été (était-ce en juin ou en juillet ? (1) Née en été 1937 comment puis-je me souvenir de la date exacte ?) au sommet de la dernière côte (en venant de Lapalisse) à Saint-Gérand-le-Puy. Mes parents voulaient rejoindre à Poitiers une amie très chère qui, non juive, était employée de la Banque de France repliée dans cette ville. Et puis je ne sais trop comment à la nuit tombée sur cette côte de la R.N.7 nous avons été recueillis par la famille Perrin et nous n’avons plus quitté Saint-Gérand-le-Puy jusqu’en septembre 1945. Nous avons trouvé un logement de fortune en face de chez  les Perrin entre les Barjot et la sage-femme Madame Lafaille et les Jutier dont le fils « Dédé » de mon âge devint mon grand copain.


Annie SCHWARTZ

En cet été chaud à tous les points de vue Dédé et moi en « barboteuse » regardions passer des camions militaires, sans doute des Allemands, et nous leur jetions le contenu de notre petit seau à sable sans toutefois les atteindre en criant « Bon Dieu, Bon Dieu, petite saloperie ! ».Je sens encore ma Maman venir nous retirer du trottoir.

Je ne sais pas non plus combien de temps nous sommes restés habiter au sommet de la côte, mais le temps d’y nouer entre ma Maman et les jeunes filles du coin (les sœurs Grand, Lilli Barjot…) de solides amitiés. Renée Grand était très belle et très bonne couturière. Elle nous a habillées Maman et moi tout au long de la guerre.

Annie SCHWARTZ le 31 août 1941

au Jardin du Bois de Mare 

Et  puis, nous avons trouvé un appartement dans une maison plus cossue avec un beau jardin et un propriétaire pas commode du tout qui habitait le rez-de-chaussée : Monsieur Vichy. C’est alors que mes grands parents, expulsés de Mulhouse, sont venus nous rejoindre, la date ???? (2) (mais  des photos de toute la famille réunie sont datées de 1941) avec mon oncle Paul. Curieux, il est venu avec ses parents alors que sa femme et son fils, eux, sont partis avec ses parents à elle !

(1) Note de l’AFMD de l’Allier. Annie SCHWARTZ et ses parents Alfred et Hélène sont arrivés à Saint-Gérand-le-Puy le 18 juin 1940. Source : Archives Municipales de Saint-Gérand-le-Puy.

(2) Note de l’AFMD de l’Allier : Ses grands parents paternels Gabriel et Hortense et leur fils Paul sont arrivés à Saint-Gérand-le-Puy le 8 novembre 1940. Source : Archives Municipales de Saint-Gérand-le-Puy. 

 

Nous  avons tous habité ensemble alors que les Nathan Lévy (ses grand-oncle et grand-tante)et les Blum (gendre de Nathan Lévy) habitaient sur la R.N.7 une des dernières  maisons sur la droite en allant vers Varennes à côté de Madame Pacot (sœur des  Barjot) et nous nous y retrouvions tous, tous les samedis après-midi.

En 1942, pendant que Papa et moi étions alités avec une jaunisse, mon grand-père mourait (3). Cette même année je rentrais à l’école, j’y retrouvais, assis sur le même banc que moi, mon ami Dédé. Nous étions si bavards que Mademoiselle Demonet nous mettait l’un après l’autre dans le coin afin qu’il n’y en ait jamais qu’un seul assis sur notre banc !

Ci-contre : 1erjour d’école le 15 octobre 1942 à Saint-Gérand-le-Puy. Source : Archives de la famille.

 Papa avait un ami intime (l’ami de la dame de Poitiers) qui souvent venait passer une semaine avec nous, ce qui déplaisait fort au dit Monsieur Vichy. 


Il prétendait que cela usait les marches de l’escalier. Tonton Gaston avait une chambre vers chez les Wal (Josy et Michèle) chez une demoiselle Hervié.

 Alors Maman (femme de tête) en a eu assez des problèmes avec Monsieur Vichy et a cherché un autre logement. Ce fut en plein centre où nous avions un séjour et une cuisine au rez-de-chaussée et deux chambres au deuxième étage, mes parents passant par la mienne pour aller dans la leur qui donnait sur la place, en face du Casino, du Familistère et du cordonnier boiteux Monsieur Boirot dont la femme soignait des plantes appelées « impatiences » dont Maman prenait des boutures et je ne peux pas voir ces plantes sans que cela ne m’évoque Maman et Madame Boirot.

 Mais pour en revenir à cette nouvelle demeure elle avait une caractéristique importante aux yeux de Maman: elle avait une sortie là où on ne le soupçonnait pas, dans une petite rue le long de la quincaillerie Meilleroux. C’est à la porte de cette sortie que pendaient en permanence un sac à dos et un sac de voyage, tous les deux gonflés.

 J’oubliais de mentionner que c’est à peu près à cette époque que l’on me fit comprendre que j’allais avoir deux identités :

 Schwartz  et Severin

 exprès les mêmes initiales, au cas où du linge en aurait été marqué.

  

(3) Note de l’AFMD de l’Allier : Gabriel Schwartz est décédé le

  

Et puis arriva le jour où tout allait basculer. C’était, je crois, en octobre 43 (4). Depuis un certain temps les voies ferrées à Magnet étaient gardées de nuit par des civils.


Ce jour-là, par hasard, tous les Juifs de la commune plus quelques autres habitants  étaient postés, sauf Papa, car Monsieur Dupont, le secrétaire de mairie, avait besoin de lui le lendemain pour faire des traductions en allemand ou de l’allemand en vue de l’échange de prisonniers et il le voulait reposé !!!

Que de hasards, primo que nous n’ayons plus habité avec Grand-Maman  et Tonton Paul, deuxio que Monsieur Dupont ait eu besoin de Papa, tertio que notre maison ait eu une sortie dérobée.

 


Cette  nuit-là (4) des tracts furent jetés sur la voie ferrée. Par qui ? J’étais trop petite pour comprendre. Qui ?Je crois les F.F.I. Les gardiens des voies et le chef de gare les ramassaient…Je ne sais pas trop ce qui se passa alors, mais la résultante fut que le lendemain les « boches » vinrent ramasser les hommes du village.

 Maman fit partir Papa (qui n’était pas sur la liste des personnes à arrêter, merci Monsieur Dupont) par la porte dérobée en emmenant le sac à dos qui contenait du linge et des conserves pour lui (l’autre sac était pour Maman et moi). Le soir la belle-fille de Monsieur Vichy, Clotilde, vint nous prévenir que Papa s’était caché dans un taillis près de chez elle à la fin des habitations, dans les terres déjà, mais à l’écart de toute route.

Cependant, du côté de chez Tonton Paul il n’en était pas ainsi. « Ils » (=les boches) vinrent chez Grand-Maman alors qu’il était absent, « ils »  inspectèrent les armoires, la vaisselle, le linge bien sûr, et surtout demandèrent à Grand-Maman si elle n’avait d’autres enfants : j’ai toujours entendu dire que heureusement elle avait répondu non.

 

(4) Note de l’AFMD de  l’Allier : Dans la nuit du 5 au 6octobre 1943 «  à proximité de la gare de Magnet  »  sont arrêtés Jules BLOCH, Georges LÉVY et André WAL. 

Dans la journée et la soirée du 6 octobre sont arrêtés à Saint-Gérand-le-Puy Maurice BLOCH, Marcel BLUM et Paul SCHWARTZ.

 Mais« ils » lui demandèrent où était Paul et lui dirent que s’il n’était pas là quand ils reviendraient le soir, c’est elle qu’ils emmèneraient.

 Là-dessus ma grand-mère vint trouver sa belle-fille et lui raconta la chose. Maman lui demanda de faire fuir Paul comme elle avait fait fuir Papa.

 (…..)

 Donc le soir nous étions seules, Maman et moi, Papa étant toujours dans son taillis. Maman, en me faisant faire la prière, m’expliqua que si le lendemain matin elle n’était pas là je devais aller au Familistère en face et que la dame m’enverrait chez Tata Gaby (dont elle avait l’adresse) : la dame de Poitiers rentrée à Paris.

 Maman se cacha derrière les volets de sa chambre et m’annonça que trois Citroën venaient de passer se dirigeant vers chez Grand-Maman…… puis quelque quart d’heure après, les mêmes voitures étaient repassées en sens inverse vers Lapalisse.

 Où était Paul ? Eh bien il était chez lui et puis dans une des voitures.


(…)

 Les choses redevinrent normales au village quelque temps. Combien je ne sais pas. Une enfant de six ans ne sait pas mesurer le temps.

 Papa était bien sûr revenu le surlendemain et on avait rechargé de conserves et de linge le sac à dos avant de le remettre en faction.

Jusqu’au  jour  (5) où Tonton Gaston (Tata Gaby  nous avait rejoints) vint pour le repas de midi et, au bout de dix minutes, interpela Maman, je l’entends encore,  « Ah, Hélène, j’ai oublié de vous dire…. les boches sont chez les Wal, ils cherchent femmes et enfants ».

 Maman hurla comme elle savait si bien le faire (ça doit être héréditaire) traitant Tonton de tous les noms et nous partîmes tous (sauf Tata qui ne craignait rien étant aryenne et qui se devait de rester pour humer la situation) nous cacher dans une grange sur le champ de pommes de terre de Papa situé, lui, sur la route de Montaigu-le-Blin, laissant un plat de gratin de côtes de blettes au four.

 

(5) Note de l’AFMD del’Allier : C’était le vendredi  15  octobre 1943.

    

Dans la fin d’après-midi Tata Gaby vint nous conter le drame.

 « Ils »  avaient emmené tout le monde chez les Nathan Lévy et chez les Wal.

 Un drame dans le drame dont tout le village se souvient encore s’est joué ce jour-là. Ma petite-cousine Nicole (enfant brillante de deux ou trois ans mon aînée, petite-fille du Rabbin Nathan Lévy) était chez le coiffeur dans le centre du village (très loin de chez elle). De 100 mètres en 100 mètres on avait fait passer le message jusque chez Rouchon, le coiffeur, qu’ « ils »  étaient chez les Lévy. On fit attendre et attendre Nicole et flairant peut-être quelque chose elle finit par partir. Arrivée au sommet de la côte de chez les Perrin, tout le monde essaya de la retenir, mais elle vit en contrebas le camion devant chez elle et personne ne put la retenir ! 

 C’est  alors que mes parents me mirent à Chaffaud (6) près d’Arfeuilles dans les Monts du Bourbonnais chez les Deleuze qu’ils avaient connus à Périgny en ramassant des châtaignes en 1940. J’y fus très heureuse et j’y vais encore tous les ans.

 Ensuite je ne sais plus…….

 Le 8 mai 1945 par une chaleur caniculaire toute l’école (chapeautée vu la chaleur) était devant le monument aux morts.

 En automne mes parents, ma grand-mère et moi sommes rentrés à Mulhouse, pour  entrer en huitième, mes parents pour reprendre les affaires.

 Annie Schwartz-Lévy

  

(6) Note de l’AFMD del’Allier : le lieudit Chaffaud se trouve sur la commune du Breuil près d’Arfeuilles.