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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 

La famille LAZAR


  En 1928 la famille LAZAR composée du père Hermann né en 1892, de la mère Gisela née GOLDZEIGER née en 1896 et de Nicolas né le 4 juillet 1928 à Nicola (Roumanie) émigre pour s’installer en Belgique à Anvers 21, rue Sommer.
          A Anvers naîtront quatre autres enfants : Joseph le 22 juin 1930, Catherine le 14 juin 1932, Alex le 15 décembre 1934 et le petit dernier en 1939 Léopold en référence au roi des Belges.


         

Photo prise en 1947.
De gauche à droite au premier rang: Hermann, Léopold et Gisela. 
et au deuxième rang: Catherine, Nicolas, Alex et Joseph.
Source : Catherine Lazar.


           En mai 1940 la famille fuit la Belgique en camion sous les bombardements et arrive à Toulouse et habite chez une famille juive, les ROTH.
           En septembre 1940  la famille est internée au camp de Brens, puis transférée  le 28 février 1941 au camp de Rivesaltes (1) . Le père Hermann réussira à s’enfuir et à se cacher à Nice.
         En décembre 1941  les enfants sauf le plus petit Léopold sont sortis du camp par l’OSE et transférés à Palavas-les-Flots. Léopold sera confié à la Pouponnière de Limoges.
         Après être passés par plusieurs maisons d’enfants de l’OSE ils arrivent à Broût-Vernet fin janvier ou début février 1942. Joseph est inscrit sur le registre de l’école comme entrant le 2 février 1942, Alex en mai-juin 1942 et Catherine au 1er octobre 1942.
        Arrêtés par les gendarmes d’Escurolles  ils partent à Rivesaltes  le 2 septembre 1942 sous le prétexte de « regroupement familial ». Libérés au bout de 2 jours par la commission de criblage grâce à leur nationalité roumaine (2) ils reviennent  à Broût-Vernet. Selon la version de Joseph LAZAR ils ont été sortis du camp de Rivesaltes par les Eclaireurs Israélites de France pour participer à un jamboree de scouts à Font-Romeu et ne sont pas retournés à Rivesaltes, mais à Broût-Vernet.
        Dans son livre Moi Catherine Lazar Catherine Lagarde Zmira Granit  Catherine évoque un petit moment de bonheur : 

« A Broût-Vernet on a même réussit à ‘fêter’ mon onzième anniversaire : le vendredi soir lors de la cérémonie de début de Chabbath on nous distribuait des bonbons. Le vendredi soir précédant mon anniversaire mes amies avaient mis en commun les quelques bonbons qu’elles avaient reçus et les avaient gardés comme un précieux trésor. Très tôt le matin du grand jour elles déposèrent tous les bonbons qu’elles avaient récoltés sur mon lit dans le grand dortoir et me réveillèrent en me chantant des chansons d’anniversaire. Voilà comment j’ai fêté mon anniversaire. J’étais bien sûr loin de chez moi et de mes parents, mais ce jour-là je me suis sentie ‘ reine d’un jour’ ».

             Puis le danger se précisa avec l’arrestation de Monsieur COGAN et de ses deux enfants, Albert et Fanny, le 2 novembre 1943 et le sauvetage des enfants s’organisa. Il fallut basculer dans la clandestinité.

« J’avais alors 11 ans et demi environ. Chacun d’entre nous reçut un nom d’emprunt. C’est ainsi que je devins Catherine Lagarde. Aucun mot de trop ne fut prononcé. On nous ordonna de ne pas pleurer et de ne pas poser de questions superflues. On nous apprit à nous habituer à vivre avec notre nouvelle identité et à oublier notre passé juif. Nous devions acquérir un parfait contrôle de nous-mêmes. J’étais destinée à une famille chrétienne. Je ne me souviens pas exactement du voyage jusque chez eux, mais je me revois dans le train, en route toute seule vers l’inconnu, sans adulte pour m’accompagner. L’hiver battait son plein, le froid était rigoureux et je n’avais bien sûr ni nourriture ni vêtements chauds. Je portais des sandales sans chaussettes et j’avais les pieds gonflés par le froid. Tout ce que je possédais tenait dans un baluchon de coton. On avait écrit mon nouveau nom à l’encre sur un bout de carton accroché à mon cou par une ficelle. Je me souviens que lorsque le train arriva à destination l’homme m’attendait sur le quai de la gare et m’emmena chez lui. »

             Catherine arrive  chez les DEMEYRIER, Roger et Joséphine, qui habitent dans le petit village de Ballaison à 18 km d’Annecy (Haute-Savoie). Une nouvelle vie va commencer pour Catherine. Elle va travailler comme une adulte comme c’était souvent le cas à la campagne, ouvrière agricole aux champs, femme de ménage à la maison et nounou pour les deux jeunes enfants du couple. Cela lui laisse peu de temps pour aller à l’église -indispensable à sa survie- et très peu de temps pour fréquenter l’école. Mais Catherine est reconnaissante à la famille de l’avoir traitée comme leur fille.
   Quant aux garçons Nicolas, Joseph et Alex on leur a donné des billets de train pour Lyon avec une adresse à Villeurbanne, celle de l’école paroissiale de Fourvière où ils sont restés deux semaines. Puis ils partent dans l’Ain à Torcieu,  petit village près d’Ambérieu.  
          A la Libération en août 1944 elle retrouve ses parents et ses frères au camp de La Meyse (Haute-Vienne) avant de partir pour Limoges. En janvier 1945 toute la famille part pour le château d’Ambloy (Loir-et-Cher) où sont rassemblés les enfants survivants de Buchenwald.



Notes : 

1) Rivesaltes est dissous en novembre 1942.

Quelques semaines après la rafle du Veld’Hiv à Paris, les rafles de la Zone Sud sont organisées par Vichy, Rivesaltes devient selon Serge Klarsfeld « le Drancy de la Zone sud » plus de 2 300 juifs raflés y transitent avant d’être envoyés à Drancy. « La dernière période de Rivesaltes est significative pour toute la mutation dans laquelle s’engage le système d’internement de Vichy. Du 4 août 1942 jusqu’à la fermeture du camp, fin novembre de la même année, deux îlots de l’ancien « camp de regroupement familial » serviront de « centre national de triage » de la zone sud et de camp central pour le départ des convois à destination de Drancy et des camps allemands. »


2) Les Juifs roumains avaient échappé à la Rafle du Vel’ d’Hiv’ parce qu’ils étaient ressortissants d’un pays allié de l’Allemagne nazie. Mais le 24 septembre 1942 la Roumanie déclara se désintéresser du sort des Juifs roumains exilés et leur retira la nationalité roumaine.




          Sources :
- Archives Départementales de l’Allier 778 W 15.04
- Archives départementales des Pyrénées-Orientales 153 J 1 pièce 5
- Moi Catherine Lazar Catherine Lagarde  Zmira Granit Histoire d’une vie Holon juin 2004
- Témoignage de Joseph LAZAR


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