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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
LAURENT Jacques René
 
 
Archives de la famille

Jacques LAURENT est né le 15 mai 1918 au domicile de ses parents 51 bis, avenue de la gare à Vichy (03).

Ses origines? Il est issu de tous les terroirs de France. Sa grand'mère paternelle était fille de bûcheron de la forêt de Tronçais, son grand-père paternel était fils des mineurs du Nord, ses grands- parents maternels enfants de paysans et d'instituteurs de l'Auvergne. Son père Claudius, instituteur à Vichy, avait été amputé en 1914 d'une main après une blessure à la Bataille de la Marne. Sa mère Marie née FAVIER entre avec lui dans la lutte.

Photo: Archives de la famille.

 

Il est «adopté par la Nation» suite au jugement du Tribunal Civil de Cusset en date du 20 mars 1935.

Il passe son bac à Montluçon (03) et commence une licence de philosophie à Grenoble, tout en s'intéressant à la musique, au cinéma, au théâtre et au dessin.

Incorporé le 16 septembre 1939, il est affecté au Dépôt d'Infanterie N° 132. Il est réformé temporairement le 13 novembre 1939.

En avril 1940 il reprend et les études à Grenoble où il est domicilié 19, rue Colonel Bougault et le combat pour la liberté.

Dans toute la France éclate le mouvement des étudiants. Délégué des étudiants de l'Isère il participe à la manifestation interdite des étudiants et lycéens à Paris le 11 novembre 1940 face aux soldats nazis. Cette manifestation est considérée comme «le premier acte collectif de résistance». Le nombre d'étudiants arrêtés oscille entre 105 et 150 selon les sources.
 

A son tour il est arrêté avec deux autres camarades et emprisonné à Grenoble le 26 mai 1941 pour distribution de tracts et activités communistes et interrogé le lendemain.

Le 24 juin il passe une première fois devant un tribunal qui le déclare coupable d' «agissements tendant directement ou indirectement à propager les mots d'ordre de la IIIème Internationale ou d'organismes s'y rattachant». Il est alors condamné à 14 mois d'emprisonnement, 300 francs d'amende et 5 ans de privation de droits civiques.

Il se marie en prison le 24 juillet 1941 avec Anna SEMENOF et organise la résistance.

Le 31 juillet 1941 sur appel du procureur de l'Etat il repasse devant le tribunal. Par arrêt de la Cour d'Appel de Grenoble en date du 31 juillet 1941 il est déclaré coupable de propagande communiste et «condamné en vertu du décret du 26 septembre 1939 à deux ans de prison et 5 ans de privation de droits civiques» et 406,30 francs d'amende.

Il est transféré dans un autre établissement pénitentiaire le 19 mars 1942 sans que soient précisés ni le lieu ni le motif.

Il est libéré le 21 juillet 1942  « au bénéfice de la liberté conditionnelle par A.M. en date du 15.7.1942.» Il déclare se retirer à Grenoble et devient alors militant clandestin dans le mouvement «Libération Sud».

Mais la police de Pétain collabore avec la Gestapo et le 17 septembre 1943, il est de nouveau arrêté, cette fois dans le train entre Lyon et Grenoble pour «distribution de tracts antiallemands». En effet sa valise est pleine de tracts, de journaux «Libération» et un poème antifasciste, La mort en Italie. Il est interné au Fort de Montluc à Lyon. Il est livré aux Allemands et sera transféré à Compiègne.

Le 14 décembre 1943 il fait partie des 993 hommes déportés  de Compiègne à Buchenwald où il arrive le 16 par le convoi N° I. 161.


KL BUCHENWALD: Le camp de Buchenwald , situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Weimar, est créé en 1937. Avec le déclenchement de la guerre en 1939 et à mesure des avancées de la Wehrmacht, la population concentrationnaire s'internationalise.
De 1943 à la fin de 1944 voire au tout début de 1945, le camp devient un vivier de main d'œuvre corvéable à merci et renouvelable à volonté pour la production de guerre. Le développement des Kommandos s'amplifie. Des usines sont installées dans l'enceinte du camp.
En tout, Buchenwald comptera 136 Kommandos. Après huit années d'existence au cours desquelles périrent environ 56000 détenus et où 238980 ont pu être recensés, le camp de Buchenwald est libéré le 11 avril 1945.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.

Il y reçoit le N° 38220. Après la quarantaine il reste au camp central de Buchenwald. Il est envoyé au block 34 où il continue une forme de résistance: l'écriture. Malheureusement ses poèmes n'ont pu être sauvés.

Début 1944, il est transféré sous une tente pour une maladie sans gravité. Selon le registre des décès de Buchenwald il décède le 31 janvier 1944 à 23 H 30 de "scarlatine".

Ci-dessous: Gestorben= Décédé.



 
Source du document ci-dessus: Service International de Recherches d'Arolsen  6450690. 

Il décède à Buchenwald le 5 février 1945 selon l'état civil de Vichy et le JO N° 2 du 4 janvier 1994.

Hommages posthumes: Lui sont attribuées

- la mention "Mort pour la France"

-
la Légion d'Honneur

- la Croix de Guerre avec Palme

- la Médaille de la Résistance
 
- la carte de Déporté Résistant N° 1.011.25193 sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 14 avril 1955.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 342659), il est homologué en tant que Résistant au titre de la R.I.F. (Résistance Intérieure Française) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).


Source du document ci-dessus: Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand.

Paul ELUARD préface le recueil de poèmes intitulé Quand la mer monte

«11 février 1947

Les poèmes de Jacques LAURENT: des paroles dites un jour d'espoir, des cris poussés un jour de désespoir et les murmures de la honte et les colères délirantes devant l'injustice qui frappait à tous les carreaux, à tous les fronts d'Europe.

Pour ce besoin irrépressible de s'exprimer, de lutter contre l'oppression, Jacques LAURENT a été l'un des premiers Français emprisonnés. Libéré en juillet 1942, après quatorze mois de prison, il reprend la lutte, mais un an après, il tombe pour la deuxième fois. Il est mort à vingt-cinq ans, le 5 février 1944 à Buchenwald. Il avait connu alors ce qu'il appelle toute «la chaleur des supplices.»

Ses images sont d'un grand poète. Elles ont participé à son combat pour la vie, elles ont été les couleurs de Jacques Laurent lui-même, en chair et en os, en amour et en courage, la force de l'amour jointe à la haine de la haine.»

 
 
Que voulez-vous …

Ils nous ont tout pris

la fleur et le fruit

L'honneur et la pudeur

la peau et les os

la ville et la campagne

le vivre et le couvert

pain sec

et eau claire
 

Que voulez-vous…

la musique et l'instrument

le pain et le vin

la belle et la bête

la poudre et les balles

les rues et les bois

Charybde

et Scylla
 

Que voulez-vous…

Ils nous ont laissé

Crime et châtiment

odes et ballades

héros et martyrs

coups et blessures
 

Mais ni le soir ni le matin

Ils ne nous ont pris

ni meurtres et funérailles

ni l'aube ni la bataille

ni les secrets ni le travail

ni le trou ni la muraille

ni la fièvre

                  ni la mitraille!

Janvier 1943

 
 
Le 8 février 1969 est inaugurée l'école Jacques LAURENT 5, rue des Saules à Vichy.
 
 
Photo: Ecole Jacques Laurent
Photo: Ecole Jacques Laurent
 
Lettre de remerciements d'Yvonne LAURENT, la mère de Jacques,

Samedi 8 février 69- Je ne saurais dire combien cette manifestation si bien réussie en tous points a comblé mon vœu le plus cher: voir le nom de mon fils au fronton d'une école.

Aussi je remercie de tout mon cœur tous ceux qui ont participé à cette réalisation: les maîtres et les maîtresses auxquels est due en grande partie la réussite de cette journée du souvenir, les enfants de l'école dont la gentillesse et la sensibilité ont charmé tous ceux qui les ont entendus.

Je n'oublierai jamais ces quelques moments où je fus si bien entourée et réconfortée, et je remercie encore tous ceux à qui je dois cette immense satisfaction.

Le nom du jeune poète et résistant Jacques Laurent, qui, comme tant d'autres jeunes, s'est sacrifié pour la liberté de son pays, est désormais à sa vraie place et vivant pour les jeunes enfants de cette belle école.»

Signé Yvonne Laurent



"Mort en déportation" suivant l'arrêté du Ministère des Anciens Combattants en date du 4 novembre 1993 paru au Journal Officiel N°2 du 4 janvier 1994.

 

Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 1864 W 1, 1 R 1938.1938.293,
 
- Archives Départementales de l'Isère 4402 W 117 feuillet 6, 6000 W 3, 4402 W 35 communiquées par Bernard Perrin

- Archives Départementales du Rhône 3335 W 4, 3335 W 30

- Archives de la famille

- Directions Interdépartementales des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand et de Lyon

- Etat civil de Vichy (03) et de Grenoble (38)

- Forissier Nathalie  La Déportation dans la Loire  1940-1944 Publications de l’Université de Saint-Etienne 2005

- International Tracing Service d'Arolsen 1.1.5.3. Concentration Camp Buchenwald - individual document, prisoner registration sheet - ID: 6450690;

1.1.5.1. Concentration Camp Buchenwald - death book - ID: 5399226

 

- «Jacques Laurent» Recherches effectuées par une classe de CM2 Juin 1994.Publié par l'Ecole Jacques Laurent, 5 rue des Saules, 03200-Vichy

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Editions Tirésias 2004

- Mémorial Buchenwald Dora Kommandos Association Française Buchenwald Dora et Kommandos

- MemorialGenWeb  site Internet

- Milhaud Georges La haine de la haine dans la Revue Europe mai 1958

- Office Départemental des Anciens Combattants de l'Allier

- Sérézat André Et les Bourbonnais se levèrent Editions Créer 1986

- Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 342659)

- Service International de Recherches d'Arolsen  6450690,
 
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