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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
LÉVY Aaron
 

Est né le 21 avril 1906 à Tlemcen (Algérie). Il est le fils d'Abraham et d'Aïcha née CHARBY.  Le 27 septembre 1933 il épouse Semha Julie née EL- DARAÏ à Tlemcen.

Ils ont six enfants:

Albert né le 21 août 1934 à Tlemcen (Algérie)
Alice Aicha née le 15 février 1936 à Tlemcen (Algérie)
Elie né le 18 octobre 1937 à Paris (4ème)
Gilberte née le 5 mars 1939 à Paris (4ème)
Suzanne née le 26 avril 1941 à Gannat (03)
Léonie Estelle née le 27 août 1943 à Vichy (03)

Source de la photo ci-contre: Archives de la famille.


Aaron LÉVY et sa  famille habitent au  N°13, rue Geoffroy-L'Asnier  à Paris (4ème) et  Aaron exerce le métier de boucher. Il est  mobilisé en 1939  et démobilisé le 15  juillet 1940. Ils  arrivent à Saint-Pourçain-sur-Sioule  en juin 1940 et  habitent  Maison Baudraix au N°62, Faubourg National. Aaron LÉVY travaille à  partir du 12 mai 1941 à l'Atelier de  pressage (paille et foin) du Ravitaillement  Général.

Aaron et Semha LÉVY se font recenser à Saint-Pourçain-sur-Sioule en tant que Juifs français conformément à la loi antisémite du 2 juin 1941 promulguée par l'Etat Français.

Source du document ci-dessus: Archives Départementales de l'Allier 756 W 1.


L'Atelier de  pressage  du Ravitaillement  Général ayant brûlé en 1942, Aaron fait une demande d'aide financière auprès de l'U.G.I.F. (Union Générale des Israélites de France) et obtient une allocation mensuelle.



Source du document ci-dessus: Mémorial de la Shoah/CDJC. Coll. Communauté Istaélite de Vichy. CMLV 16.


En 1943 6 membres de la famille LÉVY sont  fichés par l'Etat Français en tant que Juifs français. N'y figurent pas Aaron pour une raison non connue et Léonie Estelle née le 27 août 1943 à Vichy (03), peut-être après le fichage.

Source des documents ci-dessus: Archives Départementales de l'Allier 996 W 778 W 112.

Puis il retrouve un emploi auprès de la Société de Production d' Energie Electrique de la Sioule à Saint-Pourçain-sur-Sioule. Il sollicite à nouveau une aide financière suite à un accident du travail.



Le 12 mai 1944 la Gestapo de Vichy opère une rafle à Saint-Pourçain-sur-Sioule et  arrête 5 résistants et 3 familles juives qui représentent 15 personnes au total dont 10 enfants.

La rafle du 12 mai 1944
Elle est l'une des trois rafles effectuées à Saint-Pourçain-sur-Sioule.
Outre l'arrestation de 5 résistants, la Gestapo de Vichy procède à la rafle de 15 personnes parmi la population juive de Saint-Pourçain-sur-Sioule et frappe 3 familles, les FOGIELMAN (5 personnes dont 4 enfants), les LÉVY (7 personnes dont 5 enfants) et les WEILL (3 personnes dont 1 enfant). Certains enfants ont été arrêtés dans leur classe.
 
7 membres de la famille LÉVY sont arrêtés. François GRIFFET, élève de 4ème au Collège Marcellin Berthelot, est témoin de la scène alors qu'il se rend au collège: " Le matin du 12 mai 1944 de la Place de la Liberté à la Place Saint-Nicolas, des soldats allemands le fusil à la bretelle étaient répartis tous les 100 m tout au long de mon parcours. Il était 8 H 20-25. Devant cette maison, sur le trottoir je vis un petit attroupement: 2 ou 3 soldats allemands, 2 ou 3 agents de la Gestapo de Vichy (manteau de cuir noir et feutre noir) et un homme entouré de ses 4 enfants de 3 à 8 ans. Une femme tenant au cou un bébé de quelques mois sortit la dernière du logement. Puis tous prirent place dans deux ou trois tractions-avant conduites par des soldats allemands".

 Seul Albert, l'aîné des enfants, échappe à l'arrestation. Il faisait l'école buissonnière ce 12 mai 1944. Il a été recueilli pendant environ 6 mois par la famille VEDEL, des forains qui habitaient Place Saint-Nicolas à Saint-Pourçain-sur-Sioule selon le témoignage de Marcel VEDEL. Voir les annexes.
 

Les sept personnes arrêtées dans la rafle sont internées à Vichy, puis à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à Moulins (03). Elles sont transférées le 26 mai 1944 à Drancy où elles sont immatriculées:

Aaron N° 23274
 
Semha N° 23275

Alice N° 23276

Elie N° 23277

Gilberte N° 23278

Suzanne N° 23279

Léonie N° 23280

Elles sont déportées le 30 mai 1944 de Drancy à Auschwitz par le convoi N° 75.


Source du document ci-dessus: Mémorial de la Shoah  C75_21.

Source du document ci-dessus: Mémorial de la Shoah C75_22.

Source du document ci-dessus: Mémorial de la Shoah C75_21.

Dans Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Serge Klarsfeld écrit à propos du convoi N° 75: " 534 hommes et 470 femmes ont constitué ce convoi où l'on comptait 104 enfants de moins de 18 ans. (...) A l'arrivée de ce convoi le 2 juin, 239 hommes reçurent les matricules A 11841 à A 12079, tandis que 134 femmes recevaient les matricules A 7065 à A 7198. 624 personnes furent immédiatement gazées. En 1945, on dénombrait 85 survivants dont 51 femmes".

Le Tribunal Civil de Gannat a, au cours de son audience du 20 janvier 1953, prononcé un jugement attestant le décès de LÉVY Aaron et de son épouse EL DARAI Semha Julie à la date du 30 mai 1944.

Mention rectificative par arrêté du Ministre des Anciens Combattants en date du 13 mars 1995: Aaron LÉVY est décédé le 4 juin 1944 à Auschwitz selon le JO N° 98 du 26 avril 1995.
 
"Mort pour la France"

"Mort en déportation" suivant l'arrêté du Ministère des Anciens Combattants en date du 13 mars 1995 paru au Journal Officiel N°98 du 26 avril 1995.

 
 
ANNEXE 1: Témoignage de François GRIFFET

« Il y eut ce matin de printemps 1944 (…). Les événements qui se déroulèrent  devant moi et les autres enfants du quartier avec lesquels je jouais, devaient être le cauchemar de ma vie. J’en rêve encore aujourd’hui.
Nous avons vu surgir deux automobiles, une traction et une sorte de voiture verte décapotable. Les deux véhicules se sont arrêtés. Immédiatement de la traction sont sortis deux hommes habillés avec leurs grands manteaux de cuir noir et coiffés d’un chapeau feutre et, malgré mon jeune âge, je savais que nous avions devant nous  les hommes de la Gestapo.
Dans la seconde voiture, un homme en descendit, c’était Monsieur H….., appariteur de police qui tenait dans sa main un carnet sur lequel des noms devaient être notés, car il dit simplement : « C’est ici ! ». Alors, comme des furies, les deux individus en noir pénétrèrent dans le logement ou demeurait la famille LÉVY et aussitôt poussaient à l’extérieur Madame LÉVY qui tenait dans ses  bras un petit enfant encore dans les langes. Puis les enfants, dont une fillette qui allait à l’école avec ma sœur (…).
Quant à Monsieur LÉVY, il avait dans ses mains une assiette qui contenait des restes d’aliments. Il demanda l’autorisation de les donner à la voisine, la naine qui assistait, elle aussi affectée et impuissante, à ce drame. 
Nous savions le sort douloureux qui leur était réservé !!!! Mais il manquait un enfant LÉVY, un garçon, et le regard scrutateur d’un des hommes en noir se dirigea vers le groupe et j’ai eu le sentiment un instant que ce regard m’était destiné. A ce moment précis, un frisson m’a parcouru tout le corps.
Mais l’âge de l’enfant recherché ne correspondait pas à celui des enfants présents. L’appariteur de police régla le problème, car immédiatement la traction démarra, suivi de la deuxième voiture conduite par un soldat allemand qui n’avait pas quitté son siège durant les événements. Ils firent demi-tour dans le passage où habituellement nous jouions aux billes juste en face de notre maison et l’image de l’arrière de cette voiture verte avec sa roue de  secours est restée gravée dans notre mémoire à jamais, mes yeux se sont embués des larmes de haine.
J’ai appris plus tard que l’enfant recherché avait réussi à s’échapper et que son instituteur avait été emmené à la Kommandantur pour y être interrogé, car soupçonné d’avoir caché l’enfant. Bien plus tard j’ai appris le sort douloureux dont avait été victime tout la famille LÉVY ».

ANNEXE 2 : Témoignage oral d’Albert LÉVY pour l'AFMD de l'Allier.
Le matin du 12 mai 1944 comme souvent avant d’aller à l’école il est allé faire les courses pour le repas de midi. Quand les courses prenaient trop de temps et qu’il arrivait en retard à l’école, l’instituteur le mettait « au piquet ». Pour éviter d’aller « au piquet » ce 12 mai 1944, il a fait l’école buissonnière dans les vignes vers la Place Saint-Nicolas. Quand il est rentré vers 11 heures, la maison était vide et ses voisins lui ont dit que sa famille avait été emmenée à l’hôpital. Il est resté plusieurs jours dans les vignes avant d'être recueilli par des forains généreux, les VEDEL.


ANNEXE 3: Témoignage de Marcel VEDEL enregistré le 16 janvier 2004 pour l’AFMD de l’Allier.

« On avait un camion et une caravane Place Saint-Nicolas.
Les Allemands ont ramassé ses parents, ses frères et ses sœurs dans la grande rafle du 12 mai 1944.  Albert avait séché l’école tout seul. Ensuite il est resté dans la vigne à côté de la Place Saint-Nicolas pendant 5 à 6 jours. On lui a porté à manger midi et soir. Il faisait froid. On lui a amené des couvertures. Au bout de 5 à 6 jours ma mère a dit : « On va pas laisser ce gamin-là comme ça. Dis-lui qu’il vienne. On prend le risque ».  Mes parents avaient fait une chambre dans le camion. On était 3 frères. Mes 2 frères aînés couchaient ensemble en haut dans un grand lit et moi, je couchais en bas avec lui dans un autre lit. Il était scolarisé dans la même classe que moi à l’école Marcellin Berthelot. Selon les devoirs que j’avais et ce qu’on avait fait dans la journée, il les refaisait le soir avec moi.
On l’a gardé 6 mois à peu près.  Un jour sont venus des Juifs. Ils ont dit « On vous remercie, mais on le prend pour le mettre dans notre religion. Il est parti et on n’en a jamais plus eu de nouvelles ».


ANNEXE 4:

Lettre du C.O.S.O.R. (Comité des Œuvres Sociales des Organisations de la Résistance) en date du 31 décembre 1944 à Mademoiselle DUMONTET rue des Potiers à Moulins

Mademoiselle,
 Faisant suite à votre dernière visite chez nous, nous avons l’avantage de vous transmettre sous ce pli la liste de nos enfants de parents déportés ou fusillés qui ont besoin de vêtements ou chaussures. Je me suis permis de mettre en regard de chaque nom ce que chaque gosse a besoin (c’est que leurs besoins sont grands) vous ferez pour le mieux pour contenter tout le monde.
(…)
Je vous signale en outre le cas du petit Albert LÉVY qui a été recueilli par des forains à St Pourçain s/Sioule alors qu’il errait depuis plusieurs jours dans le bourg sans que personne ne se soit occupé de lui, ses parents et ses 8 frères et sœurs ayant été cherchés par la Gestapo. Ces forains ont été très gentils à son égard et lui ont donné des vêtements de leurs enfants à eux. Nous avons pris ce gosse en charge avec effet du mois de novembre dernier, mais à notre avis il ne serait pas inutile de donner une somme à ces forains qui ont nourri ce gosse depuis le mois de mai dernier, sans qu’ils aient touché quoi que ce soit de qui que ce soit. Qu’en pensez-vous ? »

Source: Document transmis par  l'A.C.I.V.E. (l'Association Cultuelle Israélite de Vichy et ses Environs)

Note de l'AFMD de l'Allier: La lettre du C.O.S.O.R. contient 2 erreurs.
1) Marcel VEDEL est formel: Albert LÉVY est resté dans les vignes. Il n'a jamais erré dans le bourg pendant plusieurs jours, ce qui eut été risqué pour lui. Il n'est pas non plus retourné à l'école pour les mêmes raisons.
2) Albert n'avait pas "8 frères et sœurs", mais 4 sœurs et 1 frère.



Albert LÉVY est décédé à son domicile le 6 juillet 2015.

Sources

- Archives Départementales de l'Allier 756 W 1, 1580 W 9, 996 W 270.01,

- Archives Municipales de Saint-Pourçain-sur-Sioule

- Centre de Documentation Juive Contemporaine C75_21

- Etat civil de Saint-Pourçain-sur-Sioule (03)

- Klarsfeld Serge Liste des transferts à Drancy

- Kalrsfeld Serge Mémorial des Enfants Juifs Déportés de France 1994

- MemorialGenWeb  site Internet

- Mémorial de la Shoah/CDJC. Coll. Communauté Istaélite de Vichy. CMLV 16.

- Témoignage de François Griffet, ex-élève de 4ème au Collège Marcellin Berthelot

 
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