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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
THIVRIER Joseph Isidore

Nous sommes à la recherche d’une copie de sa carte de Déporté. Pour nous contacter: afmddelallier@orange.fr
 
 
Mairie de Commentry

est né le 5 octobre 1874 à Commentry (03). Il est le 3ème fils de Christophe THIVRIER, le «député en blouse». Il est réformé en 1895.

Le 7 avril 1904 il épouse Honorine JUMEAU à Paris (15ème).

Il continue le commerce de vins monté par son père, puis reprend, pendant la guerre 1914-1918, l'exploitation des Mines de Bézenet-Montvicq.
 
Photo: Archives Municipales de Commentry.
 
Elu Conseiller Général en 1919, il est réélu en 1922, 1928, 1934. Il préside l'Assemblée Générale de 1934 à 1936.

Elu Député SFIO en 1924, il est réélu en 1928, 1932, 1936.

Elu Conseiller Municipal, il devient Maire en 1936 et est maintenu en 1941.

Secrétaire de la Fédération Socialiste de l'Allier de 1937 à 1939, il fait partie des 80 députés qui, le 10 juillet 1940, à l'Assemblée Nationale de Vichy, votent contre la délégation de pouvoirs à Pétain.

Néanmoins, le Gouvernement, désireux sans doute de faire montre de «libéralisme», l'inscrit, en janvier 1941, sur la liste des membres du Conseil National sans l'avoir consulté au préalable. Il apprend cette nomination par la radio et, après avoir beaucoup hésité, finit par accepter, pensant faire entendre dans ce milieu soumis un langage qui ne soit pas servile.

Le 4 mars 1943, il donne sa démission de Maire de Commentry, mais le Gouvernement ne prononce la dissolution du Conseil Municipal qu'en juillet.

Isidore THIVRIER consacre alors tout son temps à la Résistance. Il entre en contact avec le réseau de renseignements «Marco Polo» qui a pour objet de recueillir et transmettre à Londres toutes informations d'ordre civil ou militaire utiles aux Alliés. Dans sa propriété de Montassiégé, il héberge un émetteur radio clandestin.

Pierre HANNEQUIN alias Pierre BOULANGIER du Service de Contre-Espionnage du Réseau Clandestin SSMF/TR atteste qu'Isidore THIVRIER «a apporté toute l'aide et le dévouement désintéressé à l'accomplissement de ma mission en acceptant à plusieurs reprises les risques de transporter, camoufler et favoriser l'installation dans sa propriété d'un poste émetteur clandestin en liaison avec Londres et Alger.»

Mais un agent français de la Gestapo de Bourges, Roger PICAULT alias capitaine Rissler, s'infiltre dans le réseau. Selon le témoignage de Maurice COMBANAIRE au Commissaire de Police, Chef de la Sûreté à Montluçon, Roger PICAULT contacte Isidore THIVRIER dans le train et lui demande «si, en tant qu'homme politique, il connaissait une combinaison pour gagner l'Angleterre. M.THIVRIER devait lui répondre qu'il n'en possédait point, mais que sa maîtresse COUDERT Marcelle connaissait un nommé ORFIN, marchand de bois, qui, assisté de son secrétaire KOROLOFF, tous deux logeant à l'Hôtel Terminus à Montluçon, étaient susceptibles de lui donner le renseignement demandé.

Nanti de cette recommandation, qui était une sorte de mot de passe, le nommé PICAULT, fils d'un garagiste de Bourges, descendait à mon hôtel. Il faisait la connaissance d'ORFIN et de KOROLOFF, déjeunait ensemble avec eux en invitant COUDERT qui habitait Commentry.

(…)

En même temps, logeait à l'Hôtel Terminus, un agent du 2ème Bureau, BOULANGIER, alias INCA, parachuté aux environs de saint-Désiré (Allier) qui, accidenté et porteur de deux valises – j'appris plusieurs jours après qu'il s'agissait de deux postes émetteurs- avait été conduit chez moi où je l'avais fait soigner.

C'est ainsi que BOULANGIER devait à son tour faire la connaissance de mes trois autres clients: ORFIN, KOROLOFF et PICAULT ainsi que de COUDERT Marcelle; il prenait ses repas avec eux.

Un certain jour KOROLOFF et Marcelle COUDERT invitèrent BOULANGIER (Inca) à venir avec ORBIN et PICAULT faire des émissions clandestines dans le parc du Château de Rambourg à Commentry (…).

C'est alors que PICAULT –dont personne ne se méfiait- mettait à profit une séance d'émission pour photographier le groupe en train d'opérer; pour ce faire il utilisait un appareil photographique dissimulé sous ses vêtements et dont l'objectif était dissimulé dans une boutonnière.»

La Gestapo de Bourges va utiliser cette photo pour arrêter dans un premier temps Victor KOROLOFF, Marcelle COUDERT et Isidore THIVRIER le 7 octobre 1943, puis Maurice COMBANAIRE le 16 octobre.

Victor KOROLOFF et Marcelle COUDERT sont arrêtés au domicile de cette dernière. Quant à Isidore THIVRIER il est arrêté en gare de Vierzon (18) dans le train qui le ramène de Paris le 7 octobre 1943.

Il est interné pendant 4 mois et demi à la sinistre prison du Bordiot à Bourges (18). De sa cellule il écrit au crayon le 14 janvier 1944 une lettre à son ami Georges PANAUD. En voici l'introduction et la conclusion:
 

Mardi 11 janvier 1944

Mon cher Georges – Ma femme t'a mis au courant il est donc inutile que je te raconte mes misères- il en coûte de faire ses devoirs de Français et d'être républicain- ils auront peut-être ma peau- mais je resterai français et socialiste-

(…)

Je t'espère en bonne santé ainsi que tes fils et ta femme rappelle moi à son bon souvenir et pour toi ma meilleure amitié.

Isidore

Tu es heureux tu as la liberté on en sait le prix lorsqu'on la perd!!

 Document ci-dessus transmis par Denise Fayolle.
 

Dans son livre Le Franciscain de Bourges Marc TOLÉDANO, lui-même interné à la prison de Bourges, note:

«23 février.

Combanaire et le député de Montluçon, Thivrier, âgé de soixante-dix ans, sont partis ce matin, mais pas vers la liberté…»

En effet il est ensuite interné à la prison d'Orléans (45) où, en mars 1944, il est condamné par un Tribunal Militaire à 20 ans de réclusion.

Il est transféré à la prison de Fresnes, puis le 13 avril 1944 par le convoi N° I.202 il fait partie des 62 hommes qui sont déportés "NN" de Paris Gare de l'Est au camp de concentration du  Struthof près de Natzweiler .
 
 
Procédure Nacht und Nebel
instaurée par le décret Keitel de décembre 1941 pour «des actes délictueux» tels que espionnage, sabotage, détention illégale d'armes, etc. Ce décret prévoit le transfert en Allemagne en vue d'un jugement dans le secret absolu. Les déportés doivent disparaître dans «la nuit et le brouillard», c'est-à-dire sans laisser de trace.

Il y reçoit le matricule N° 11914 selon sa fiche ci-dessous.

Note: Fragebogen für Häftlinge: Questionnaire pour détenu.


Source du document ci-dessus: Service International de Recherches d’Arolsen 3240427.

KL Natzweiler-Struthof
Ce KL (Konzentrationslager) est installé en Alsace à 60 km au nord-est de Strasbourg à 800 mètres d'altitude. Il est l'unique camp de concentration situé en territoire français, mais annexé au IIIème Reich à cette époque.
Dès leur arrivée au camp les détenus sont divisés en deux catégories selon qu'ils aient ou non le statut de «NN».On peut estimer à 47000 le nombre d'internés au camp de Natzweiler et ses Kommandos extérieurs et à environ 11000 le nombre des victimes.Le camp est vide lorsqu'il est libéré par les troupes alliées le 23 novembre 1944.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation
 

Atteint, selon le bulletin médical allemand retrouvé dans les archives du camp, de tuberculose et d'angine de poitrine il y décède le 5 mai 1944 selon l'état civil de Commentry et le JO N° 202 du 1er septembre 2000.

Le 24 avril 1945, le Jury d'Honneur, qui ignore encore son sort, le relève de son inéligibilité due à son appartenance au Conseil National.

Le 6 mai 1946, le Maréchal Montgomery attribue un certificat de service «au volontaire des Nations Unies», Isidore THIVRIER, mort pour la libération de l'Europe.

En 1947, la Médaille de la Résistance lui est décernée à titre posthume.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 569076), il est homologué en tant que Résistant  au titre des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes).

«Mort pour la France»

"Mort en déportation"
suivant l'arrêté du Secrétaire d'Etat à la Défense chargé des Anciens Combattants en date du 26 juin 2000 paru au Journal Officiel n°202 du 1 septembre 2000.

Son nom figure au Monument aux Morts de Commentry.

                                   Source des photos ci-dessus: Mairie de Commentry. Remerciements.


Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 1864 W 1, 1 R 1894.1124, 2014 W 2  N° 15412,

- Archives du camp de Natzweiler sur Ancestry.com et JewishGen.org

- Archives Municipales de Commentry (03)

- Bureau des Archives des Victimes des Conflits Contemporains à Caen

- Etat civil de Commentry (03) et de Néris-les-Bains (03)

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation

- MemorialGenWeb  site Internet

- Office Départemental des Anciens Combattants de l'Allier

- Tolédano Marc Le Franciscain de Bourges Flammarion 1967
 
- Touret André  Biographie d'Isidore Thivrier

- Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 569076)

- Service International de Recherches d’Arolsen 3240427,
 
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