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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
CÉALAC Jacob
 
 
Archives de la famille

Est né le 5 décembre 1911 à Orhei (Roumanie). Il est le fils d' Ideli et de Mahléa et l'époux de Liba née MAGNISZEWER.

Il arrive en France en 1928 et est naturalisé Français ainsi que son frère Leib/Léon le 3 Juin 1935  par décret n°6275-35. Voir ci-dessous.

Il exerce la profession de maroquinier et est domicilié 4, avenue Taillade à Paris (20ème).

Photo: Archives de la famille.

 
 
 
 
Document ci-dessus: Journal Officiel de la République Française du 9 juin 1935 page 6275. Source: Site Internet Gallica naturalisations.

Il est mobilisé le 3 septembre 1939 et affecté à la Compagnie de l'Air 89-107. Il est démobilisé le 16 août 1940 au Bataillon de l'Air 122.

Il épouse Liba née MAGNISZEWER le 2 novembre 1940.
 
Photo: Archives de la famille.
Archives de la famille
 

Ils se font recenser à Paris en 1941, puis ils quittent Paris pour Volvic (63) où habite une belle-sœur.

Après quelque temps passé à Volvic (63) Jacob rejoint son frère Léon, prisonnier de guerre évadé et réfugié à Marseille (13). Il trouve du travail dans sa spécialité et Liba le rejoint.
 
Suite au Débarquement des Alliés en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 les Allemands envahissent la Zone Libre et atteignent la Méditerranée et Marseille.

Avec l'arrivée des nazis les rafles s'amplifient. Jacob et Liba remontent vers Montélimar (26) où Liba donne naissance à leur fils Jean-Claude le 8 juin 1943.

Des rumeurs circulant sur la possible remontée des Allemands vers Paris, Liba et son fils vont s'installer chez sa sœur Sarah et son mari Eugène LEBI-DIAMANT au 32, rue de Soissons à Vichy (03).


C'est là qu'il  est arrêté par la Gestapo le 7 avril 1944 à Vichy. Voir ci-après les circonstances de son arrestation dans le témoignage écrit par son épouse Liba.

Il est ensuite transféré le 21 avril 1944 à Drancy.

Le 15 mai 1944 il fait partie des 878 hommes déportés de Drancy à Kaunas ou Reval par le convoi N° 73. Voir extrait de la liste ci-dessous.


 
Source du document ci-dessus: © Mémorial de la Shoah C 73_6.

Concernant le convoi N° 73 en date du 15 mai 1944, Serge Klarsfeld écrit:

« Parmi ces 878 hommes, seulement 12 âgés de 12 à 17 ans. Les autres sont dans la force de l'âge. L'année 1944 est avare de documents en ce qui concerne la section antijuive de la Gestapo; mais cette présence exclusive d'hommes laisse à penser qu'il s'agit peut-être d'un convoi de représailles, comme celui du 4 mars et celui du 6 mars 1943.
Selon les dépositions des rescapés recueillies au Ministère des Anciens Combattants, il est évident qu'une partie du convoi est allée à Kaunas (Kovno) en Lituanie, tandis qu'une autre partie allait à Reval en Estonie».
Source: Mémorial de la Déportation des Juifs de France Serge Klarsfeld.

Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY émet une autre hypothèse: ces hommes valides sont envoyés à Kaunas (Lituanie) ou à Reval (Estonie) pour effacer les traces des massacres précédents. Ils sont eux-mêmes exécutés à leur tour pour préserver le secret.

Les circonstances de l'arrestation de Jacob CÉALAC démontrent qu'il ne s'agit pas d'une rafle. En effet seul Jacob CÉALAC est arrêté. S'il s'était agi d'une rafle, les nazis et leurs complices français auraient également arrêté Sarah LEBI-DIAMANT, sa sœur Liba et son fils Jean-Claude.

Jacob CÉALAC  décède le 20 mai 1944 à Kaunas (Lituanie) ou Reval (Estonie) selon le Journal Officiel N° 51 du 29 février 2008.

«Mort pour la France»

Son fils Jean-Claude est adopté comme Pupille de la Nation suite au jugement du Tribunal de Première Instance de Cusset (03) en date du 25 novembre 1953.

 
La carte de Déporté Politique N° 1.111.09009 lui est attribuée à titre posthume sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 16 mars 1954.
DIAC Clermont-Ferrand
Source du document ci-dessus: Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand.

 
 
"Mort en déportation" suivant l'arrêté du Secrétariat d'Etat à la Défense  en date du 6 février 2008 paru au Journal Officiel N° 51 du 29 février 2008.

Témoignage écrit de Liba CEALAC

«Je tiens à témoigner afin d'apporter ma petite flamme à la mémoire ranimée par le livre «Nous sommes 900 Français».

J'ai connu Jacob Céalac en 1938. Nous avons correspondu pendant les deux premières années de la guerre et nous nous sommes mariés après sa démobilisation, le 2 novembre 1940.

A l'Occupation, les Allemands ont donné l'ordre aux Juifs de se déclarer, ce que nous avons fait. Lorsque les bruits de déportation ont commencé à circuler, nous nous sommes rendu compte de notre erreur et nous avons décidé de partir.

Une de mes belles-sœurs se trouvant à Volvic près de Clermont-Ferrand, nous l'avons rejointe. Mais il s'agissait de trouver du travail, et mon mari s'est dirigé vers Marseille où se trouvait son frère Léon, prisonnier évadé. Je l'y ai retrouvé au bout d'un mois. Il travaillait pour un magasin de maroquinerie. Nous y sommes restés jusqu'à l'arrivée des Allemands. Pourtant cette zone ne devait pas être occupée!

Les rafles devenaient de plus en plus nombreuses. Je me trouvais enceinte et nous avons pris la décision de nous diriger sur Montélimar où j'ai accouché d'un magnifique petit garçon, Jean-Claude, le 8 juin 1943. Mon mari s'est associé avec un ami, ils avaient du travail, tout allait relativement bien.

Ce rare bonheur, à cette époque, ne pouvait durer. Le bruit courrait que les Allemands remontaient sur Paris et nous n'étions plus en sécurité. Mon mari m'a suggéré de me réfugier, avec notre fils, chez ma sœur qui habitait Vichy depuis la guerre, avec son mari, Eugène Lévi-Diamant, et leurs deux enfants.

Vichy! Où nous n'aurions jamais dû mettre les pieds! Ce jour maudit du 7 avril 1944, nous venions de prendre le petit déjeuner. Mon mari était venu nous voir, notre fils était souffrant, et il devait ensuite se rendre à Clermont-Ferrand où ses parents étaient réfugiés.

Tout à coup… irruption brutale (la porte d'entrée était restée ouverte, les enfants de ma sœur étaient partis pour l'école) de deux hommes en civil parlant français:

- Nous désirons voir M. Levi-Diamant.

Ma sœur leur répond qu'il est absent, travaillant aux environs de Vichy. Apercevant mon mari, ils lui demandent ses papiers. Après y avoir jeté un coup d'œil, ils lui ont dit:

- Suivez-nous pour contrôle de vos papiers.

Nous ne l'avons plus jamais revu.

J'ai empoigné ma valise, pris le train jusqu'à Clermont-Ferrand pour avertir ses parents. Je ne sais plus comment j'ai fait le trajet. Mon beau-frère, réfugié à Ussel, est venu aussitôt. Nous sommes retournés à Vichy, avons contacté l'ambassade de Roumanie (mon mari était né en Roumanie), la Croix-Rouge; nous avons demandé une audience au Ministère Pétain. Partout, lorsqu'ils apprenaient qu'il s'agissait de l'arrestation d'un Juif, un mur se dressait et la même réponse résonnait: «Nous ne pouvons rien faire».

Par la suite, j'ai reçu un mot de mon mari, écrit au crayon, venant de Drancy, me disant dans quelles tristes circonstances il avait eu de nos nouvelles par Eugène Lévi-Diamant qui, lui, a été arrêté sur dénonciation de «bons Français»!

Nous sommes allés chercher mon fils. Horreur! Au 32 rue de Soissons, où nous habitions, les scellés étaient mis. Ma sœur s'était réfugiée avec ses enfants chez des amis et le soir elle avait attendu son mari à la gare de Vichy pour lui apprendre le drame. Elle avait confié mon fils à sa locataire, sachant que je devais venir le chercher.

En me voyant, la locataire a sorti mon fils sur le pas de la porte, habillé de sa grenouillère.

- Laissez-moi prendre ses affaires, lui dis-je.

- Vous n'avez pas le droit d'entrer, les scellés sont mis.

- Donnez-moi au moins de quoi le changer!

Elle m'a donné quelques couches… J'ai pensé au beau trousseau que j'avais préparé dans la joie de la venue au monde. Je n'ai plus rien demandé. La peur régnait.

Serrant mon petit garçon de dix mois contre mon cœur, nous nous sommes sauvés.

Je ne peux terminer ce témoignage sans penser à ma mère, Chana Fridman, déportée à l'âge de 70 ans; à ma sœur, Marie Szcerczewski, déportée à l'âge de 36 ans, avec ses deux filles, Lili et Janine (7 et 14 ans); à ma cousine, dont le mari était prisonnier de guerre, et qui a été déportée avec sa fillette âgée de 2 ans; et tant d'autres cousins et cousines…

Toute ma vie a été bouleversée et mon fils est blessé à vie. Mais ceci est une autre histoire.»

Luba Bouchaux, veuve de Jacob Céalac,

née Magniszewer à Lodz (Pologne) le 14 mars 1914.

 

Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 1864 W 1, 1799 W 2886-02/204,

- Archives Départementales du Puy-de-Dôme 908 W 168

- Archives de la famille

- Blum-Cherchevsky Eve Line «Nous sommes 900 Français» vol. II page 362

- Centre de Documentation Juive Contemporaine

- Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand

- Etat civil de Vichy (03) et de Montélimar (26)

- Klarsfeld Serge Liste des transferts à Drancy et Mémorial de la Déportation des Juifs de France 1978
 
- Témoignage écrit de Liba Céalac
 
- yadvashem.org Feuille de Témoignage
 
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