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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
FERLOT Jean Antoine Marcel
 
 
DIAC  Clermont-Ferrand

est né le 29 août 1919 au domicile de ses parents au N° 30, rue de l'Imprimerie à Vichy (03). Son père Baptiste est comptable, puis entrepreneur de transports, et sa mère Marie née BARDIN est sans profession.

Il apprend le métier d'ajusteur-tourneur et entre à la Manurhin à Vichy.

Photo: Archives de la famille.


Situation familiale

Le 17 février 1941 à Vichy il épouse Josette ROYAL et ont deux enfants, Michel et Françoise.

Situation militaire

Incorporé le 16 avril 1940 il est affecté au Dépôt du Génie N° 7, puis à l'Ecole Militaire du Génie le 31 octobre 1940. Il rejoint ensuite l'Armée d'Armistice (à l'Etat-Major du Génie à Avignon du 1er novembre 1940 au 12 juin 1942, puis au 9ème Génie à Roanne (42) jusqu'au 27 novembre 1942). L'invasion de la zone libre par l'Allemagne le 11 novembre 1942 entraîne la dissolution de l'Armée d'Armistice et Jean, démobilisé à Roanne  le 27 novembre 1942 avec le grade de sapeur-mineur, revient habiter chez ses beaux-parents, Monsieur et Madame ROYAL, au 36, rue de Madrid à Vichy.

Situation professionnelle

Le 1er mars1943 il retourne à la Manurhin comme ajusteur-tourneur sur métaux.

La résistance

Son beau-père, Abel ROYAL, qui fait partie du réseau "Alliance" sous les ordres du Général RAYNAL, lui demande de s'engager dans la Résistance. Il devient agent de liaison sous le pseudonyme de "Namur", puis il participe à deux parachutages dans la Montagne Bourbonnaise au cours desquels des armes sont réceptionnées et cachées.

«Je soussigné chef du Réseau S.R. «Alliance» certifie que:

Monsieur FERLOT Jean, né le 29 août 1919 à Vichy, demeurant à Vichy 36 rue de Madrid, a fait partie de nos services depuis le mois de janvier 1943, comme agent S.R.
Monsieur FERLOT a été arrêté par la Gestapo le 19 avril 43 pour son activité dans la Résistance. Il a été déporté en Allemagne au camp de Weimar puis de Cham où il a été libéré par les Alliés le 21 avril 1945. Il est rentré en France le 26 mai 1945.
Les fonctions occupées par M. FERLOT dans notre réseau pendant l'occupation allemande correspondaient dans la hiérarchie de la D.G.E.R. au grade de chargé de mission de 3e classe (sous-lieutenant). M. FERLOT est P2.
En foi de quoi nous délivrons le présent certificat pour faire et valoir ce que de droit.»
Fait à Paris, le 23 août 1945
Le chef de réseau

Marie-Madeleine Fourcade

Archives de la famille
 

L'arrestation

Son activité dans la Résistance sera de courte durée puisque le lundi 19 avril 1943 vers 7 h 50 Abel ROYAL est arrêté par la Gestapo au 36, rue de Madrid suite à la dénonciation par un traître cupide, Marius CHAMBON. Les policiers allemands tendent une souricière. Dans la journée du 19 avril les arrestations se succèdent de 7 h 50 à 20 heures: 7 hommes et 2 femmes.

Le même jour et au même endroit sont arrêtés son père, Baptiste, et son frère, Gabriel, venus aux nouvelles. Baptiste, entrepreneur de transport interné à la Mal-Coiffée Chambre 3, sera libéré  le 30 mai 1943. Gabriel, tourneur, est également interné à la Mal-Coiffée Chambre 3 et sera libéré le 20 mai.

En ce qui concerne le réseau, il est démantelé en 48 heures. Selon Marie-Madeleine FOURCADE, «Après lui (le général RAYNAL), d'approche en approche, presque tout le réseau s'écroula –trente-cinq personnes- …victime du misérable chauffeur Chambon».

L'internement

Vers 23 h 30 les 7 hommes sont emmenés au 127, Boulevard des Etats-Unis, le siège de la Gestapo.

Le 20 avril vers 4 heures du matin il est transféré menottes aux poignets à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à Moulins, où il est interrogé par la Gestapo.

Son père Baptiste prend le 28 décembre 1944 une adhésion pour Jean à l'association "Ceux de la Mal-Coiffée" présidée par Maître Maurice TINLAND, grand résistant moulinois.


Source du document à gauche ci-dessus: Archives Municipales de Moulins 5 H 81.
Source du document à droite ci-dessus: Archives Municipales de Vichy H 101  Boîte 5.

Le 25 juin 1943 ils sont 999 hommes à être déportés de Compiègne à Buchenwald par le convoi référencé I.110 par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. Parmi ces hommes, 27 ont un lien avec l'Allier, dont ceux du réseau Alliance et ceux qui ont manifesté le 9 mars à Lapalisse devant la maison d'un collaborateur.

Le convoi arrive le 27 juin à la gare de Weimar et c'est à pied qu'ils parcourent les dix kilomètres pour arriver au camp de concentration de Buchenwald.

A l'arrivée, il est, selon ses propres termes, « marqué par le four crématoire qui brûle jour et nuit, puis le passage à la baraque des vêtements, où on nous met tout nu, on nous rase, on se douche et on sort de l'autre côté en tenue rayée, direction le petit camp…dit de quarantaine qui était réservé à tout nouvel arrivant». Il reçoit le matricule N° 14737.


Source du document ci-dessus: Service International de Recherches d'Arolsen 5850732.

 
Selon sa fiche de détenu au Service International de Recherche d'Arolsen (voir ci-dessus), il est déporté dans le cadre de l'opération "Meerschaum".

Note: "Aktion Meerschaum" ("Ecume de mer") est le nom de code d' une opération de « recrutement » de main d’œuvre en Europe de l’ouest afin d'alimenter les camps de concentration.

Après la quarantaine, contrairement à la grande majorité de ses camarades, Jean FERLOT reste au camp central de Buchenwald et sans doute à cause de sa formation de tourneur-ajusteur travaille à l'usine Gustloff II qui est contiguë au camp et où les détenus fabriquent des armements.

Cette usine est pratiquement détruite par le bombardement allié du 24 août 1944. Les détenus sont alors employés au déblaiement.

Un autre bombardement a lieu le 9 février 1945, faisant 300 victimes parmi les déportés.

L'évacuation

L'évacuation de Buchenwald se fait sur plusieurs jours du 6 au 10 avril juste avant la libération du camp qui intervient le 11 avril 1943.

Jean FERLOT se trouve dans le convoi du 8 avril qui comprend 4800 détenus entassés dans des wagons découverts sans vivres ni eau.

Le 8 avril 1945, le camp de Buchenwald est évacué sur Flössenburg en train, puis à pied sur la tristement célèbre Route du Sang pour arriver à Untertraubenbach…pour ceux qui y arrivent, car les S.S. exécutent systématiquement ceux qui ne peuvent pas suivre, ceux qui tombent, ceux qui restent à l'arrière ou qui montrent des signes de lassitude.

Itinéraire reconstitué par François BERTRAND dans son livre Vers l'extermination Convoi Buchenwald Dachau (7-28 avril 1945)

En train:

8 avril BUCHENWALD

Weimar

8 avril – 13 h Weissenfels

8 avril – 15 h Zeitz

10 avril – 13 h Chemnitz

Zürchau

Reitzenhein (frontière des Sudètes)

11 avril Komotau (Chomutov)

12 avril Březno

12 avril – 13 h Karlovy Vary (Karlsbad)

14 avril Marianské-Lázňe (Marienbad)

15 avril Tachov (Tachau)

16 avril Flossenbürg

 

A pied

Pleystein

Wetterfeld

23 avril Untertraubenbach: libération par l'Armée américaine

CHAM: regroupement des survivants

Enfin le 23 avril 1945 à 10 heures du matin à Untertraubenbach à 15 Km de la frontière tchécoslovaque ils sont libérés par l'armée américaine.

Plus tard lors de son oraison funèbre l'orateur rappellera l'attitude éminemment altruiste et courageuse de Jean lors de cette évacuation: «Personnellement qu'il me soit permis de rappeler que lors de l'évacuation du camp de Buchenwald devant l'avance alliée vers Flossenbürg, ce que tu fis pour chacun d'entre nous. Durant cette marche interminable en colonne, rassemblant par un effort de volonté tes dernières forces, nous soutenant tour à tour, nous aidant à marcher sachant que si l'un d'entre nous venait à trébucher, à tomber, c'était alors l'arrêt de mort et la liberté semblait si proche! Nous ne pouvons oublier cela. Encore une fois: merci, Jean!»

Les survivants sont rassemblés à Cham. Atteint de dysenterie, Jean FERLOT est hospitalisé et doit attendre d'être guéri pour être rapatrié. Mais si le physique est atteint, le moral est bon et il reste confiant en l'avenir ainsi qu'en témoignent ces mots extraits de la deuxième lettre envoyée de Cham le 16 mai 1945: « Enfin tout cela est fini, je l'espère et en rentrant nous nous mettrons courageusement au travail et nous sortirons de l'ornière, j'en suis persuadé».

Il rentre en France le 26 mai 1945 et annonce son retour à sa femme par un télégramme reçu à Vichy le 27 mai.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 220855 ), il est homologué en tant que Résistant au titre des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes)  et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

La carte de Déporté Résistant  N° 1.011.04281 lui est attribuée sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du  4 juin 1951.


Source du document ci-dessus: Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand.

 

Le retour à la vie «normale»

Il reprend son métier de tourneur-ajusteur dans une petite entreprise. En 1946 la famille s'agrandit avec la naissance d'un troisième enfant, Renée. En 1951, la famille va s'installer à Bellerive-sur-Allier 11, avenue de Vichy. En 1952 décès de Michel et naissance de Michèle, puis en 1961 naissance de Jean-Marie.

En 1961 il est fait Chevalier de la Légion d'Honneur, puis Officier en 1962 (JO du 5 janvier 1963 page 149).

Puis il entre à la Compagnie Fermière comme responsable de la blanchisserie.

Il s'engage aussi dans la vie associative. Joueur de basson, puis de basse, il participe en tant que musicien et administrateur à la vie des Sociétés Musicales de Bellerive-sur-Allier et de Vichy.

Il n'oublie pas non plus ses camarades déportés. Il adhère à l'UNADIF (Union Nationale des Déportés, Internés et Familles de Disparus) dont il est le trésorier et va témoigner dans les établissements scolaires avec ses amis, Messieurs EHRHARD et COLAS.

En 1979 il prend sa retraite de la Compagnie Fermière. Il décède le 17 juin 1981 à Clermont-Ferrand et est inhumé le 20 juin à Bellerive-sur-Allier.

Rue Ferlot à Bellerive-sur-Allier. Photo: AFMD de l'Allier

Hommage posthume

Par décision du Conseil Municipal en date du 13 octobre 1988, le nom de Jean FERLOT est attribué à une rue de Bellerive-sur-Allier. Jean FERLOT est en bonne compagnie puisque sa rue est dans le prolongement de la rue Jean MOULIN et d'Emmanuel CHABRIER, résistant fusillé à Clermont-Ferrand.
L'inauguration a lieu le 11 novembre 1988.
Photo: AFMD de l'Allier.
 

Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 1864 W 1, 1289 W 51, 630 W 1, 1 R 1939.306, 2200 W 55,

- Archives de la famille

- Archives Municipales de Vichy H 101 Boîte N° 5

- Bertrand François
Vers l'extermination Convoi Buchenwald Dachau (7-28 avril 1945) Editions Art'Cool 2005

- Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand

- Etat civil de Vichy (03) et de Bellerive-sur-Allier (03)

- Fourcade Marie-Madeleine L'Arche de Noé Réseau«Alliance» 1940-1945 Editions Plon Avril 2003

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Mémorial Buchenwald Dora Kommandos  Association Française Buchenwald Dora et Kommandos

- Office Départemental des Anciens Combattants de l'Allier

- Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 220855 )

- Service International de Recherches d'Arolsen 5850732,

- Témoignage écrit de Jean FERLOT
 
 
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