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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
CHARPENTIER Julien Louis Henri
 
 
Archives de la famille

est né le 3 octobre 1921 à Plesder (35). Son père Julien est facteur des postes et sa mère Marie sans profession.

Il passe son enfance près de Combourg (35) et arrive en 1935 à Châtel-Montagne (03)  où son père, mutilé de la guerre 1914-1918,  est nommé facteur des P.T.T.

Second d’une famille de 7 enfants, il apprend le métier de cuisinier à Vichy (03). Il travaille à l’Hôtel des Célestins à Vichy, puis à Paris à la Coupole et Chez Maxim’s  et revient à Vichy à la déclaration de la guerre.

 Photo: Archives de la famille.


C
élibataire il est domicilié à Châtel-Montagne (03), mais réside rue Belin à Vichy (03) où il exerce le métier de cuisinier dans un hôtel .

Il y est recensé pour le S.T.O. en 1943. 
Faisant partie des classes 1920-21-22 il est concerné par le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).
 
Par la loi du 16 février 1943 du gouvernement de l'Etat Français est créé le Service du Travail Obligatoire qui impose aux hommes nés au dernier trimestre 1919 ou en 1920-21-22 d'aller travailler pendant deux ans en Allemagne.
 
Il bénéficie dans un premier temps d'un sursis, mais il refuse de travailler pour les nazis et  rejoint le 3 mars   le Maquis de Châtel-Montagne alors organisé par André MANDARD (Note N° 1). Après un passage au corps-franc de Lavoine (03) fondé par André KESPY (Note N° 2), il revient à Châtel-Montagne.

Selon Paul CHAMPEAU, " A la fin de 1943, lorsque la répression s'accentue dans le pays et qu'apparaît la nécessité d'une tactique militaire plus active, il devient avec Bernard SAUMANDE (Note N° 3) responsable du groupe. Son sens des responsabilités et son sang-froid, la confiance et l'amitié de ses camarades le destinaient normalement à ce rôle. Au début de 1944, il dirige plusieurs actions armées contre la Milice et la Gestapo".

Moncorgé Raymond Montagne Bourbonnaise 1939-1945 Imprimerie Nouvelle 2004
Source de la photo:  Moncorgé Raymond Montagne Bourbonnaise 1939-1945 Imprimerie Nouvelle 2004.

Il fait partie des 23 hommes arrêtés le 4 février 1944 au Maquis de la Pourrière par les GMR (Groupes Mobiles de Réserve) sur trahison du milicien infiltré Georges GOUVERNEUR (Note N° 4) qui figure sur la photo.

Il est interné à la prison de Cusset (03), puis de Riom (63) avant d'être transféré en car à Compiègne le 28 juin 1944.

Il est déporté le 2 juillet 1944 de Compiègne à Dachau où il arrive le 5 dans le convoi N° I.240 dit Le Train de la Mort.

 

«Lors d'un arrêt prolongé du train en gare de St Brice près de Reims, par temps orageux et quarante degrés à l'ombre, les wagons se sont transformés en véritables étuves…Plus de cinq cents jeunes hommes sont morts de chaleur, de manque d'eau, d'asphyxie. L'atmosphère (…) a été génératrice de délire et de folie collective, entraînant des scènes d'horreur.

La responsabilité en incombe aux S.S.de la garde. Au moment où la situation devenait intenable, malgré les appels de détresse des détenus, les S.S. ont refusé d'ouvrir les portes, d'aérer les wagons et de distribuer de l'eau, ce qui eut sauvé les mourants.

Il ne s'agit, en la circonstance, ni d'une«bavure» ni d'un accident, mais essentiellement d'une action entrant dans le cadre de «l'entreprise générale et délibérée d'élimination des ennemis du Reich, de caractère authentiquement criminel» selon le Mémorial annuaire des Français de Dachau.
 

       Source des documents ci-dessus: Allach Kommando de Dachau Amicale des Anciens de Dachau Jouve mai 1985.

Dans  leur  malheur Julien CHARPENTIER  et ses camarades  de détention de Riom ont  la chance de  se trouver dans un wagon où ils ne sont que 80. Ils arrivent tous à Dachau le 5 juillet. Quant aux  519 victimes recensées dans le livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation,  à l'arrivée elles vont partir directement au crématoire.


Il reçoit le matricule N° 77830 et après la quarantaine il est transféré au kommando de Neckargerach qui dépend du KL Natzweiler-Struthof. Il y reçoit un nouveau matricule, le  N° 21874.
 
Neckargerach: Kommando du KL Natzweiler situé près de Mannheim.La majorité des détenus travaille dans les mines ou dans les environs d'Obrigheim.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
 
Il y décède le 5 janvier 1945 selon l'acte dressé par le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre le 24 avril 1946. Selon le témoignage de Paul CHAMPEAU en date du 30 juin 1964, "Pendant toutes ces péripéties douloureuses, les qualités humaines de Julien CHARPENTIER apparaissent avec encore plus d'éclat. Il veille sur ses camarades avec une sollicitude presque maternelle, oubliant sa propre santé. Deux semaines avant de mourir d'épuisement le 5 janvier 1945, il s'occupait encore de collecter des vivres et de réconforter ses camarades malades à l'infirmerie du camp.
Il fut enterré au cimetière juif de Binau. C'est là que furent exhumés ses restes présumés, qui furent transférés en juin 1953 au cimetière de Châtel-Montagne à la demande de ses parents".
 
"Mort pour la France"

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 121708), il est homologué en tant que Résistant au titre des F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

Lui sont attribuées à titre posthume par décret du 28 juillet 1955 paru au JO du 5 août 1955
- la Médaille Militaire
- la Croix de Guerre avec Palme
- la Médaille de la Résistance.
 
 
Archives de la famille
A gauche la carte de Déporté Résistant N°1.011.09566 lui est attribuée sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 1er avril 1952.
A droite  photo de la stèle en mémoire des victimes des camps du Neckar. Julien CHARPENTIER est le 5ème dans la 2ème colonne. Photo: Archives de la famille CHARPENTIER.

Son nom figure au Monument aux Morts de Châtel-Montagne  et une rue de Châtel-Montagne porte son nom.

Photo de gauche: AFMD de l'Allier.  Photo de droite: Mairie de Châtel-Montagne. Remerciements.


Note N° 1: André MANDART résistant né le 21 janvier 1911 à Danjoutin (90)

Note N° 2: Roger KESPY: résistant né le 14 août 1908 à Bougie (Algérie) chef des MUR de l'Allier (Mouvements Unis de Résistance) exécuté le 25 juillet en forêt de Marcenat (03).

Note N° 3: Bernard SAUMANDE: résistant né le 17 juin 1922 à Moulins (03) fusillé le 22 mars 1944 à Clermont-Ferrand (63).

Note N°4: Georges GOUVERNEUR: traître né le  6 novembre 1922 à Cusset (03), membre du Maquis de Châtel-Montagne passé à la Milice, décédé le 19 août 1987 à Vaulnaveys-le-Haut (38).

 

Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 1864 W 1, 778 W 21 Recensement pour le S.T.O.,

- Archives du camp de Natzweiler sur Ancestry.com et JewishGen.org

- Archives de la famille

- Archives de Paul Champeau

- Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand

- Etat civil de Plesder (35) et de Châtel-Montagne (03)

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Moncorgé Raymond Montagne Bourbonnaise 1939-1945 Imprimerie Nouvelle 2004

- Office Départemental des Anciens Combattants du Puy-de-Dôme

Sérézat André  Et les Bourbonnais se levèrent Editions  CRÉER  1986

- Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 121708)

©  AFMD de l'Allier

Hommage non daté  de  Paul CHAMPEAU à Julien CHARPENTIER.
« Julien Charpentier passa son enfance à Combourg, ce petit bourg de Bretagne qu’a illustré Chateaubriand.
Intelligent il ne put cependant poursuivre ses études au-delà du CEP, étant d’une famille très modeste, peut-être aussi par son indépendance de caractère, ce qu’il devait regretter par la suite. Il avait le goût du travail bien fait et n’entreprenait jamais rien sans y consacrer toute sa volonté. C’est pourquoi ayant fait son apprentissage de cuisinier, il devint rapidement expert dans cette profession et, après un stage à Paris, il était chef cuisinier à l’Hôtel des Célestins de Vichy avant de prendre le maquis au début de 1943. Son père était alors facteur des postes à Châtel-Montagne. Il avait 2 frères et 3 sœurs dont plus jeune a 5 ans aujourd’hui.
Julien, tout en se consacrant avec amour à son métier, était avide de s’instruire sur tout ce qui peut faire dans la vie l’intérêt d’un citoyen avisé. Et il recherchait avec avidité tous ceux qui pouvaient lui donner cette culture intellectuelle dont il appréciait tout le prix.
Il était, comme tous les cœurs honnêtes, ulcéré par la présence de l’ennemi sur notre sol et la honteuse souillure infligée par ses valets à notre Bourbonnais. Aussi repoussa-t-il bien loin l’idée d’obéissance à la convocation au S.T.O. dont il fut frappé en février 1943.
Il avait obtenu la possibilité de travailler en France à Saint-Malo, non loin de sa famille bretonne ; mais, dédaignant ces offres, il prend le maquis sous le pseudonyme amical de Toto que lui avaient donné déjà ses compagnons de travail. Prendre le maquis était à ce moment une initiative douteuse autant que périlleuse, car on ne savait pas quelle serait la réaction de l’ennemi et de ses complices. Devant la crise de lâcheté et de trahison illustrée par le régime Vichyste, ceux qui osaient s’insurger pouvaient tout craindre. Il fallait donner l’exemple et l’impulsion au mouvement, créer un précédent. Julien a donné un exemple. Il fut des premiers membres du groupe Kespy, installé non loin du domicile paternel dans la Montagne de Châtel. D’ailleurs toute sa famille était avec lui. Et dans les premières semaines les initiatives de son père furent d’un très grand secours pour le ravitaillement des  « réfractaires ».
Cependant le maquis se développe et se fortifie. Au moment où le groupe Kespy devient corps franc et s’installe à Lavoine, Julien reste à Châtel dans le maquis d’accueil où il trouvera un champ d’action plus vaste à son dévouement inlassable.
Pendant 3 mois, il restera dans la cave enfumée d’une maison en ruine, sa nouvelle cuisine, si différente des caves reluisantes de l’Hôtel. Et il s’ingéniera, avec des moyens de fortune, à confectionner pour ses camarades la nourriture la plus convenable possible. Le soir après une journée étouffante il ne se tient pas encore quitte et souvent il passe une partie de sa nuit à chercher chez les paysans l’approvisionnement en viande et en légumes indispensable au groupe.
Malgré ce travail absorbant, Julien a une haute conscience de son rôle et il passe de nombreux instants à s’éduquer politiquement en discutant avec ses camarades plus favorisés. C’est ainsi que le 1er octobre 1943, lorsque le groupe se trouve réduit à quelques unités par suite du départ de 18 de ses camarades partis fonder un nouveau groupe, Julien Charpentier reste au nombre de ceux qui auront la lourde tâche d’éduquer et d’encadrer les nouveaux arrivants.
Julien sera désormais considéré comme le chef pour tous les membres du maquis. Sa droiture et  son esprit d’initiative lui permettront d’améliorer sans cesse la vie matérielle du maquis.
Mais l’hiver arrive, l’action alliée qui semblait proche devient improbable et le sinistre Darnand prend la tête de la répression. Il ne s’agit plus de tenir. Pour faire face à l’offensive des traîtres, il faut des armes, il faut une organisation militaire solide.
Julien participe à tous les coups de main les plus dangereux pour parfaire l’équipement militaire du groupe. Il fait des kilomètres dans la neige et sous la pluie dans la boue pour rechercher des cantonnements de repli indispensables en cas d’attaque. Et quand la nécessité d’une organisation solide et appropriée aux nécessités politiques de l’heure se fait sentir, il est  des premiers avec Bernard Saumande à adhérer aux F.T.P.F., entraînant l’adhésion unanime du groupe. Il devient responsable technique.
Mais la situation devient de plus en plus tendue. La répression s’approche. La peur s’empare de la population. Le groupe en devenant plus important et plus actif n’a pas pu éviter d’attirer l’attention des agents de l’ennemi.
C’est qu’n effet depuis octobre un traître s’est introduit dans le groupe de Julien Charpentier. Par ses flatteries et ses rodomontades il a réussi à capter la sympathie générale et a acquis de redoutables responsabilités. Sur le point d’être démasqué Gouverneur jette le masque et dénonce ses camarades.
Le 4 février 1944 le camp est surpris par les forces policières de Vichy guidées par le traître et Julien Charpentier la rage au cœur doit inviter ses camarades à la reddition pour éviter un massacre général.
Ce fut ensuite Vichy-Cusset, puis la maison d’arrêt de Riom où Julien Charpentier devait croupir pendant 5 mois avec ses camarades dans l’ombre et la vermine. Il serait fastidieux de s’étendre sur les incidents de cette captivité, la douleur de la mort des camarades exécutés, la rage impuissante devant les crimes allemands et miliciens dans la Montagne Bourbonnaise, l’incompréhension de certains camarades, les soupçons et les petitesses des égoïsmes déchaînés par la privation.
Le 28 juin les Allemands vident la prison de ses détenus politiques et les achemine vers Compiègne. Et c’est enfin le sinistre convoi du 2 juillet où près de mille déportés (Note 1) périrent asphyxiés.
Arrivé à Dachau, Julien recherche avec anxiété de toutes parts et ne se tranquillisera que  lorsqu’il aura vu de ses propres yeux qu’aucun membre du groupe n’est mort pendant le transport.
Puis c’est l’affreux bagne de Neckargerach. Inutile d’énumérer les souffrances. Le moral de Julien Charpentier est demeuré inébranlable. Il réconforte partout où il peut  ses camarades, a toujours des propos optimistes auxquels il ne croit peut-être pas. Tant est grand son désintéressement qu’il ne se rend pas compte du mal qui le mine. Il devient de plus en plus maigre et ses forces déclinent. La dysenterie se déclare. Mis à la porte de l’infirmerie, il ne peut être soigné à temps et ne sera admis que pour mourir quelques heures après.
Son corps ira rejoindre à la fosse commune de Binau les milliers de corps des martyrs dont le sacrifice a payé le tribut de ce que l’Europe a de meilleur pour la rénovation du monde ».

Note 1: Comme indiqué plus haut, le chiffre retenu est de 519 victimes.