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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 

JANÇON René Marcel Georges


Nous sommes à la recherche d'une copie de sa carte de Déporté. Ecrire à afmddelallier@orange.fr.


est né le 17 avril 1917 au domicile de son grand père Joseph PILLOT à Chaux-la-Lotière (74). Son père Marcel est instituteur et sa mère Germaine née PILLOT est sans profession. Ils sont domiciliés à Buthiers (70).

Etudiant  en  droit, il bénéficie d'un  sursis  d'un  an renouvelable.  Le 15  août 1939 il renonce au bénéfice du  sursis et est  incorporé le 16 septembre 1939. Il est  alors  affecté  au dépôt d'Infanterie N° 132.

Il est élève officier de réserve quand il épouse le 14 décembre 1939 Paulette MAVET à Vesoul (70). Ils ont trois enfants. Passé aspirant de réserve il est transféré au Dépôt d'Infanterie N° 72. Le 23 janvier 1940 il est affecté à la Compagnie N° 214, puis à la Compagnie N° 212 le 10 juin 1940.

Source de la photo ci-contre: Archives de la famille.



Il passe la frontière et  entre "en  Suisse le 19 juin 1940 avec son unité  conformément aux ordres donnés par le Lt-Colonel Commandant le Dépôt 72" selon l'attestation du Capitaine BELLE. Il  est interné avec son unité le 21 juin à Wolhusen dans le canton de Lucerne, puis le 19 juillet à Passugg, camp situé à 780 mètres d'altitude  dans le canton des Grisons.

Avec son groupe, il  travaille sur un chantier à la construction d’une  route et aussi en hiver à l’entretien des routes, le déneigement en particulier. Ils bénéficient d’un régime de semi-liberté et sont convenablement nourris.

Il est rapatrié le 6 mars 1941 et est démobilisé le 7 mars 1941 par le centre de Grenoble.

Source du document ci-contre: Fichier des Internés E5791#1988/6 transmis par les Archives Fédérales Suisses. 
 

Commissaire Principal de police  à Vichy (03) où il est domicilié 6, rue d'Amiens, il travaille pour

- le réseau SuperNAP (Noyautage des Administrations Publiques) : attestation de Germain VIDAL, chef du SuperNAP pour la Sûreté Nationale à Vichy

- l'ORA (Organisation de Résistance de l'Armée): attestation du Général PFISTER, chef de l'ORA

- les FFI (Forces Françaises de l'Intérieur): attestation du Colonel COLLIOU, commandant la Division d'Auvergne

- les MUR (Mouvements Unis de la Résistance) et l'AS (Armée Secrète): attestation de Robert FLEURY

- la Résistance Polonaise: médaille commémorative de la Résistance polonaise en France.

Dans une attestation en date du 13 octobre 1945 le Général PFISTER, ex-chef de l'ORA en zone sud, certifie que «jusqu'à son arrestation par la Gestapo en février 1944, le Commissaire JANÇON René lui a rendu de nombreux services. C'est lui qui notamment le renseignait sur les enquêtes dont il était l'objet, organisait les contre filatures nécessaires et faisait disparaître les rapports compromettants. Il lui fournit par ailleurs des renseignements précieux sur les agents de la Gestapo et les voitures radios employées à la détection des postes émetteurs clandestins».

Il est arrêté le 3 février 1944 par la Feldgendarmerie de Lapalisse alors qu'il «se rendait en Haute Savoie pour y recueillir des renseignements sur la situation des maquis menacés par la milice et les allemands» selon la même attestation du général PFISTER. Il est alors en compagnie de Georges REYNAL, directeur du Service Photographique du cabinet de Pétain, et d' Armand VAN WEERDEN, l'un des adjoints. Selon Raphaël LASSANDRE «à Lapalisse ils furent pris dans un barrage mis en place par les Allemands alors qu'ils se dirigeaient vers la Suisse emportant avec eux des documents destinés à l'Angleterre ». Ils ont "désossé" la voiture et découvert les documents sous un faux plancher selon le même témoignage.

Françoise Denoyelle décrit l'arrestation: " Au passage à niveau de Lapalisse (Allier), Reynal et ses passagers sont arrêtés par des schuppos. A la lueur d'une lampe électrique, l'un deux regarde le numéro d'immatriculation de la voiture, tire un bout de papier de sa poche et dit "" Ya, es ist gut Nummer"". Ils traversent Lapalisse, bras en l'air, mitraillettes aux flancs, et sont emmenés dans une propriété à la sortie de la ville."

Concernant son arrestation, voir l'Annexe 1.

Ils sont internés à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à Moulins (03) jusqu'au 1er mai, date à laquelle ils sont transférés à Compiègne. René JANÇON reçoit le matricule N° 32.883.

Le 12 mai 1944 il est déporté de Compiègne à Buchenwald où il arrive le 14 dans le convoi N° I.211. Il reçoit le matricule N° 50960.


Source du document ci-dessus : Service International de Recherches d’Arolsen 6167134.


Après la quarantaine le 6 juin 1944 il est affecté à la Baubrigade VI en compagnie d'un certain nombre de résistants arrêtés à Saint-Pourçain-sur-Sioule (03) et sa région.

Une Baubrigade est un Kommando extérieur mobile qui est chargé de divers travaux: construction et réparation de voies ferrées, déblaiement de décombres après un bombardement, etc.

La Baubrigade VI est envoyée à Ellrich-Théâtre, un théâtre désaffecté. Leur première tâche est de l'entourer de fils de fer barbelés et de construire des miradors sous la surveillance des gardiens.
 
Puis selon le témoignage de Raphaël LASSANDRE " tous les matins après l'appel de 6 h, en colonne par cinq, nous embarquons en gare d'Ellrich dans des wagons à bestiaux ou des wagons découverts pour Nordhausen afin de décharger des wagons de rails de chemin de fer,(...) du matériel de terrassement, du charbon en briquettes."
 
Puis courant août il est transféré avec ses co-détenus à Günzerode, un village distant de 7 km, où le camp est une immense bergerie entourée bien sûr de barbelés et de trois miradors.
 
 
 
A gauche le kommando de Günzerode: une bergerie entourée d'un réseau de barbelés.
A droite face au Kommando, une maison de maître servait de poste de garde.
Source des photos: Raphaël Lassandre Douze mois dans l'enfer nazi.

A Günzerode la Baubrigade est divisée en 4 kommandos. Il est affecté au kommando N° 4. Témoignage de Raphaël LASSANDRE: «Dans ce kommando nous sommes une équipe de camarades qui s'étaient connus à la prison de Moulins ou à Compiègne, entre autres: les deux PELLETIER, BOUCHON, BOUDONNAT, CAMPRON, REYNAL, JANÇON et moi-même, FONFRED, commandant de gendarmerie à Clermont-Ferrand, et André PINEL, de Bellegarde, natif de Montmarault».

«Après un quart d'heure de marche, nous arrivons sur les lieux de travail où un conducteur de travaux allemand nous attend (…). Il donne des ordres au Kapo. Il s'agit de la construction d'une ligne de chemin de fer stratégique reliant Dora à Kassel, destinée au transport de la nouvelle fusée. Nous nous munissons de pelles et de pioches et commençons le travail".

Après un hiver rigoureux où il leur faut travailler dehors par tous les temps arrive le 4 avril où ils sont évacués dans des wagons découverts.

Le 4 avril 1945 c'est l'évacuation. Ils partent à pied à la gare d'Ellrich où des wagons découverts les attendent. Selon Raphaël LASSANDRE la destination devait être Bergen Belsen, mais le 7 avril à 0ebisfelde le train est bombardé et la locomotive est atteinte et doit être changée. Ils atteignent la gare de Mieste le 10 avril et repartent à pied.

Il rentre le 3 mai 1945.


 
Il adhère à la FNDIP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Politiques).

Source du document ci-dessus: Archives de la famille.

Il est  Directeur  Départemental  des  Services  de  Police de la  Haute-Marne  quand  il  décède à  l'Hôpital de  Joinville (52)  des  suites d'un accident de voiture le 20 décembre 1946.

Son nom figure sur la plaque à la Direction Départementale des Services de Police à Chaumont (52).


Source des photos ci-dessus: Direction Départementale des Services de Police de la Haute-Marne. Remerciements.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 306008)), il est homologué en tant que Résistant au titre des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes), de la R.I.F. (Résistance Intérieure Française) et  des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

Lui sont attribuées 
- la Médaille de la Résistance par décret du 3 août 1946
- la Croix de Guerre avec Palme  sur décision N° 36 du Ministre de la Défense Nationale à titre posthume
- la carte N° 1.019.28260 de Déporté Résistant à titre posthume  sur décision du Ministère des Anciens Combattants en date du 22 novembre 1955

Citation à l’Ordre de l’Armée le 16 décembre 1950 :
JANÇON René, né le 17 avril 1917 à Chaux-la-Lotière (Haute-Saône)
«  Magnifique et remarquable patriote, ayant fait preuve des plus belles qualités de courage et de dévouement. Pendant l’occupation ennemie, a porté inlassablement aide et assistance avec le plus grand mépris du danger, dans des conditions difficiles, aux prisonniers de guerre français ou alliés, évadé des camps d’Allemagne, ou aux volontaires désirant rejoindre les Forces Françaises Libres.
A ainsi passé ou contribué au passage d’un grand nombre d’entre eux.
Arrêté pour ces motifs par l’ennemi, a été emprisonné, torturé, puis déporté en Allemagne. Décédé des suites de déportation le 20 décembre 1946.
A été en toutes circonstances, au cours de sa belle et charitable mission, un modèle d’ardent patriotisme et de bravoure ».



Annexe 1 : Concernant son arrestation le 3 février 1944 à Lapalisse (03), il écrit: «  Depuis deux mois, je sens qu’il y a quelque chose d’anormal. A chaque instant, je suis pris en charge par des types aux allures de voyous comme le sont habituellement les agents de la Gestapo. Ce sont eux, en effet, qui épient nos allées et venues. Aussi chaque fois que je veux sortir, me faut-il me livrer à une véritable course afin de semer ces poursuivants. (… ) Les filatures, les arrestations finissent par me faire prendre une décision : il faut fuir, fuir vite sous peine d’aller rejoindre Fleury, Grange et tous les autres qui moisissent dans les caves de la Gestapo. 
C’est fait, c’est décidé. Je suis de service le dimanche 5 février, je partirai donc en congé le lundi 6. Mais nous ne sommes que le 3.». 

Dans l’après-midi du 3, son ami Georges REYNAL l’appelle au téléphone pour lui demander de l’accompagner en Savoie. Il se montre réticent au début, puis conscient qu’il est dangereux pour lui de rester à Vichy, il donne son accord.

Ils partent en voiture à 3, Georges REYNAL, son adjoint Armand VAN WEERDEN et René JANÇON. Ils partent « tranquilles », car « Seul un fonctionnaire du service de Georges (Reynal), nommé G....., connaît le numéro de notre voiture; V.W. (Van Weerden) et moi sommes armés ».

René JANÇON continue son récit : «  A peine sortis de Vichy, la pluie se met à tomber. Il faut ralentir l’allure. Ça commence mal. Nous arrivons en vue de Lapalisse. La pluie cesse, ce qui nous permet de voir plus loin dans la lumière des phares. Nous apercevons alors une petite lueur rougeâtre au bas de la grande descente qui conduit au bourg. Nous savons qu’il y a là habituellement un barrage, tantôt français, tantôt allemand ; mais nous ne nous en soucions guère. Avec nos braves gendarmes, il y aura toujours possibilité de s’entendre en dépit de l’heure avancée. Avec les Allemands, s’ils sont peu nombreux, nous aurons recours aux grands moyens. Nous avions donc tout prévu …sauf une chose : c’est que les Allemands s’amèneraient en force pour nous arrêter ».


Source: Témoignage de René JANÇON transmis par la famille.

Annexe N° 2: Témoignage de René JANÇON recueilli le 13 octobre 1945 par le Commissaire de police principal à la Direction des R.G. à Paris concernant son évacuation du Kommando de Gunzerode et les massacres de Gardelegen.

«Devant l’avance alliée, les Allemands décidèrent de nous évacuer. (…) Le 6 avril, nous avons été réveillés à 4 heures. Après un appel sommaire, nous fûmes formés en deux colonnes. L’une resta sur place pour être évacuée par la route. L’autre, dans laquelle je me trouvais, fut conduite en gare d’Ellrich, où l’a rejointe un groupe de nos camarades restés depuis juin en cette localité, avec d’autres détenus venant de camps situés dans la région de Dora. Nous étions en tout 2.500 dans des wagons, presque tous découverts, malgré la pluie,  à raison d’une centaine par véhicule. Nous étions surveillés par des S.S. du Volkssturm et d’ex-détenus allemands armés pour les besoins de la cause. La locomotive a été mitraillée en cours de route. Il y eut panique. Nos gardiens se sont ressaisis et ont tiré sur les fuyards, les obligeant à rejoindre le convoi. Après des péripéties diverses et un second bombardement du train à Mieste le 11 avril, nous dûmes prendre la route par groupes comprenant les uns 150 déportés, les autres 1.000. Je fus intégré à une colonne d’environ 300 unités. Quiconque, fatigué, traînait à quelques pas derrière la colonne ou s’aventurait sur les bas-côtés de la chaussée, était aussitôt abattu.
Dans la journée du vendredi 13 avril, nous fûmes conduits dans la forêt de Javenitz et contraints de nous asseoir l’un à côté de l’autre dans une clairière. Un instant après, des S.S. survinrent et ouvrirent le feu à bout portant à la mitraillette et à la grenade. Ce fut pour ceux qui n’étaient pas touchés, le signal d’un sauve-qui-peut. Ceux qui étaient à terre ont été achevés d’une balle dans la tête. Les gardiens aidés des membres des Hitlerjugend de Javenitz ont alors procédé à une battue, au cours de laquelle les déportés rejoints ont été abattus. Ne furent sauvés que ceux que ceux qui furent rejoints aux abords immédiats de Javenitz. Le soir même à la nuit tombante, nous fûmes conduits vers une grange située aux abords de Gardelegen. Nous y arrivâmes vers 23 heures. Un trou était déjà creusé à proximité du bâtiment fait de planches. Nous eûmes la chance de trouver une batterie allemande située tout à côté. Le chef de batterie s’opposa à ce que nous fussions brûlés là, ce qui n’aurait pas manqué d’éclairer son dispositif et de le faire repérer par l’aviation américaine.
Après ce premier essai, nous fûmes dirigés vers un autre hangar, en-dessous duquel se trouvait un dépôt de munitions. Nous avions encore 600 mètres à parcourir lorsque le dépôt explosa, le hangar ayant été rempli avec d’autres de nos camarades. Le lendemain 14 avril, nous fûmes rejoints par un déporté étranger, un Tzigane, qui présentait une plaie béante à la tête, provoquée par une balle de mitrailleuse. Il avait, lui aussi, été enfermé avec 900 de ses compagnons dans une grange des environs de Gardelegen, grange à laquelle les nazis mirent le feu, après avoir placé des mitrailleuses devant la porte. Il n’y eut que de rares survivants, tous blessés, laissés pour morts, parmi ceux qui avaient reçu les rafales d’armes automatiques ».


Témoignage transmis par la famille.

 
Sources:

- Archives Départementales de Haute-Saône  1 R 1937.474,

- Archives de la famille

- Archives Fédérales Suisses Fichier des Internés E5791#1988/6 

- Bureau des Archives des Victimes des Conflits Contemporains

- Denoyelle Françoise La photographie d'actualité et de propagande sous le régime de Vichy CNRS Editions 2003

- Etat civil de Chaux-la-Lotière (70), de Vesoul (70) et de Joinville (52)

- Lassandre Raphaël Douze mois dans l'enfer nazi Imprimerie Granjean Avermes 1995

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 306008)

 
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